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La sexualité des gens heureux

Publié en ligne le 18 juin 2010
La sexualité des gens heureux

Pascal de Sutter
Éditions Les Arènes, 2009, 262 pages, 19,90 €

La grande majorité d’entre nous aime éprouver du plaisir sexuel à différents moments et à différents degrés. Cette disposition comportementale fait partie de notre programme génétique. Comme pour les bonobos, nos plus proches parents, la sexualité ne sert pas seulement à maintenir en vie notre espèce : elle a aussi une fonction psycho-sociale essentielle. Elle est bienfaisante pour l’individu, pour le couple (dont elle resserre les liens affectifs) et donc pour la famille. Dès lors, rien d’étonnant à l’abondance des publications sur la sexualité. Mais cela vaut-il la peine de présenter un livre de sexologie aux lecteurs de Science et pseudo-sciences ? Oui, s’il s’agit d’un ouvrage résolument inscrit dans la perspective scientifique.

L’auteur est docteur en psychologie (sa thèse portait sur le traitement de l’éjaculation prématurée), professeur de sexologie à l’Université de Louvain et chef d’un service de sexologie dans un hôpital. Il a mené de nombreuses études empiriques sur divers aspects de la sexualité normale et pathologique, notamment lorsqu’il était chercheur à l’Université de Montréal. Son ouvrage répond à de nombreuses questions théoriques et pratiques, en s’appuyant sur des informations scientifiques parmi les plus récentes. Il présente surtout des données psychologiques, mais il fournit aussi des connaissances sociologiques, historiques, ethnologiques et éthologiques, sans pour autant tomber dans un éclectisme mou. En présentant ces informations, il fait d’utiles mises au point méthodologiques, notamment sur la relativité des enquêtes par questionnaire et sur l’interprétation des analogies et des coefficients de corrélation.

Il n’est guère facile de briller par l’originalité dans un livre sur la sexualité. Toutefois, l’ouvrage de Pascal de Sutter aborde des questions relativement peu traitées et il le fait, répétons-le, en utilisant des informations uptodate. Parmi les pages les plus intéressantes, signalons celles qui portent sur la relation entre le sentiment de bien-être général et les satisfactions sexuelles. L’auteur présente des recherches (dont les siennes) qui montrent que l’on peut être heureux sans activité sexuelle régulière et que l’on peut avoir une vie sexuelle satisfaisante sans pour autant être heureux de vivre. Néanmoins, le bonheur et la sexualité sont des variables en interaction, raison pour laquelle il est souhaitable de développer une « intelligence érotique » à côté d’autres formes d’intelligence (émotionnelle, sociale, pratique, etc.). C’est bon pour le sentiment d’être heureux, pour la santé mentale et même pour la santé physique.

Le chapitre sur la vieille question des différences de réactions des femmes et des hommes fournit de précieuses indications sur des sources de conflit dans les couples. Notons par exemple que l’on trouve les mêmes fantasmes chez les hommes et les femmes, mais avec des fréquences très différentes. Notons aussi que beaucoup de femmes initient des contacts physiques avec leur partenaire seulement pour avoir des satisfactions affectives, tandis que beaucoup d’hommes ressentent du désir sexuel dès qu’ils ont un contact physique avec une femme qui leur plaît. On peut longtemps discuter sur les causes (biologiques et culturelles) de ces disparités, mais autant déjà connaître les comportements tels qu’ils se présentent le plus souvent. Cela prévient beaucoup de malentendus.

L’auteur ne se soucie guère des normes judéo-chrétiennes des bien-pensants et autres croyances inutilement culpabilisantes quand il se risque à des indications pratiques, destinées notamment aux hommes souffrant de trouble érectile, de femmes frustrées par leur manque de désir, d’homosexuels culpabilisés, de handicapés physiques ou de seniors désireux de poursuivre une vie sexuelle heureuse. En un mot, son livre est à mettre entre toutes les mains…