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L’épidémie de coronavirus : se tourner vers la science

Publié en ligne le 9 avril 2020 -

L’épidémie de coronavirus : se tourner vers la science

À l’heure où ces lignes sont écrites (17 mars 2020), la France vient de passer au stade 3 de l’épidémie de coronavirus et le confinement entre en vigueur. Si nous ne savons ni comment ni à quel rythme la situation va évoluer, il est cependant possible de formuler quelques premiers commentaires généraux.

Tout d’abord, l’origine de cette infection est tout ce qu’il y a de plus « naturel » : il s’agit d’une zoonose virale, c’est-à-dire d’une contamination à partir d’un virus d’origine animale qui s’est adapté à l’être humain. Cela nous rappelle, s’il en était besoin, que « naturel » ne signifie pas forcément « bon » et que l’Homme continue à vivre dans une nature qui n’est ni bienveillante, ni accueillante (ni l’inverse d’ailleurs : la nature se contente d’être…).

Ensuite, c’est bien vers la science que le grand public semble se tourner en priorité, et non vers les pseudosciences. Certes, différentes rumeurs et théories du complot circulent sur Internet et des remèdes fantaisistes sont vantés ici ou là. Mais, par exemple, les promoteurs de l’efficacité de l’homéopathie se sont faits jusqu’à maintenant discrets sur la pertinence de leurs produits [1] et la mise au point d’un vaccin est attendue avec espoir, y compris en France, pays où la défiance vaccinale est l’une des plus marquées au monde.

Et c’est aussi vers des experts reconnus que les micros sont jusque-là préférentiellement tournés, à la différence d’autres sujets médiatisés où des « experts » autoproclamés issus de mouvements associatifs partisans occupent l’espace médiatique.

En termes de gestion de la pandémie, la prise de décision est forcément complexe. Si les connaissances scientifiques sur le virus et son mode de propagation s’accumulent à une vitesse impressionnante, il reste encore de grandes incertitudes rendant bon nombre d’anticipations incertaines et révélant aussi parfois des divergences d’expertise. Cela complexifie encore davantage la gestion de crise, d’autant plus que toute décision d’ordre sanitaire a forcément des effets collatéraux qu’il s’agit de prendre en compte. La réduction des échanges internationaux et le ralentissement économique mondial ont des impacts qui ne sont pas que financiers : ils peuvent conduire à d’autres effets sanitaires difficiles à chiffrer et qui ne seront pas comptabilisés dans le bilan de la maladie (pénurie de certains médicaments, suicides et maladies dus à des pertes d’emploi ou à l’isolement, précarité aggravée, etc.).

En France, Olivier Véran, le ministre de la Santé, affirmait dès le 3 mars 2020 que toutes les décisions prises dans le cadre de la gestion de l’épidémie de coronavirus « sont des décisions qui sont fondées sur le rationnel scientifique validé par les commissions d’experts » [2]. De telles déclarations, largement réitérées depuis, sont bienvenues. Leur mise en œuvre ne pourra que contribuer à légitimer l’expertise publique et à renforcer la confiance qui lui est accordée. C’est indispensable, et il est également utile que soit précisé comment s’articule chacune des décisions au regard de l’expertise scientifique (mais aussi de son incertitude), car tout ne se ramène pas à elle. Elle n’est pas là pour justifier a posteriori des décisions politiques prises et il ne faudrait pas lui imputer des choix qui sont hors de son domaine, qui relèvent de la décision politique, et dont elle ne peut que partiellement éclairer les conséquences possibles.

Cette approche gagnerait à être étendue à d’autres sujets comme l’agriculture (avec par exemple le glyphosate) ou encore l’énergie et le climat (avec par exemple l’arrêt de la centrale de Fessenheim, présenté comme s’inscrivant dans la transition écologique nécessaire face au réchauffement climatique), où l’expertise scientifique est ignorée dans les déclarations mêmes des décideurs.

L’après-coronavirus pourrait-il signifier une réhabilitation de l’expertise scientifique et plus de science et de rationalité dans la décision publique ?

Science et pseudo-sciences

Références


1 | Krivine JP, « Coronavirus : un nouveau paradoxe pour l’homéopathie », 6 mars 2020. Sur afis.org

2 | « Olivier Véran face à Jean-Jacques Bourdin en direct », BFMTV, 3 mars 2020.

Publié dans le n° 332 de la revue


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