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Regards sur la science

Injection de fluides et séismes

Publié en ligne le 8 mars 2017 - Énergie -

J’ai déjà mentionné à plusieurs reprises dans Science et pseudo-sciences [1] que l’injection de fluides sous pression, dans le sous-sol d’une région soumise à des contraintes, pouvait provoquer des séismes. Le dernier numéro du Scientific American [2] apporte des données très intéressantes à ce sujet.

Le premier exemple d’un tel phénomène a été observé en 1961 lors de l’injection de fluides toxiques produits dans un arsenal près de Denver (Colorado), dans des puits profonds. Sept cents séismes faibles à modérés se produisirent entre 1962 et 1966 dans une région où l’on n’en observait pas auparavant. De plus, ils continuèrent à se produire après l’arrêt des injections et même à croître en intensité, jusqu’à une magnitude de 4,8 en 1967.

En 1969, le Service Géologique [3] des États-Unis effectua des expériences dans des puits où la société Chevron injectait de l’eau sous pression pour stimuler la montée du pétrole. Les géologues purent déterminer la limite de la pression à partir de laquelle les séismes étaient déclenchés. Et les injections se firent ensuite au-dessous de ce seuil.

Mais au début des années 2000, pour lancer rapidement l’exploitation du gaz contenu dans les schistes argileux du Texas et de l’Oklahoma, cette règle fut mise de côté. On appliqua intensément la fracturation hydraulique, méthode plus agressive, qui consiste à injecter des millions de litres d’eau, du sable et des produits chimiques à haute pression. En se fracturant, la roche libère du gaz qui remonte à la surface avec une eau polluée et, de plus, très salée. On s’en débarrasse en la réinjectant au-dessous de la roche exploitée, dans une couche plus poreuse. Les résultats sont saisissants, comme le montre le graphique suivant, donnant le nombre de séismes de magnitude égale ou supérieure à 3 observés dans l’Oklahoma.

Évolution du nombre de séismes de magnitude égale ou supérieure à 3 observés dans l’Oklahoma (2009 - 2015)

Parallèlement, le volume de l’eau injectée est passé de 140 millions de m3 en 2009 à 260 millions en 2014.

Une question importante se pose : quelle magnitude peuvent atteindre ces séismes induits, qui, apparemment, provoquent actuellement des ruptures de failles peu importantes ? Des comparaisons avec les régions naturellement sismiques de l’Ouest des États-Unis amènent les spécialistes à des valeurs de 6 ou même 7. Des cartes du risque ont été dessinées. Le Service Géologique a lancé en 2013 et 2014 des avertissements inhabituels sur la possibilité d’un séisme destructeur en Oklahoma. Des mesures ont été prises par les autorités de l’État pour limiter les volumes injectés. Elles ne sont évidemment pas appréciées par les exploitants.

Le mécanisme de ce phénomène est bien compris : une faille géologique entre deux blocs est maintenue fixe par les pressions qu’ils exercent l’un sur l’autre. Si de l’eau parvient à s’y infiltrer, sa pression réduit la contrainte normale à la faille, ce qui facilite le glissement relatif des blocs s’ils sont soumis à un cisaillement.

Références

[1] Articles de Georges Jobert :

[2] Scientific American, volume 315, n° 1, juillet 2016, p. 42-49.
[3] Voir son site earthquake.usgs.gov/research/induced/

Publié dans le n° 318 de la revue


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L' auteur

Georges Jobert

Georges Jobert est géophysicien et professeur honoraire à l’université Pierre et Marie Curie. Il a été directeur (...)

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