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Regards sur la science

Impunité pour les lanceurs de fausses alertes ?

Publié en ligne le 30 juin 2013 - OGM et biotechnologies -
Illustration de la fable d’Ésope « Le garçon qui criait au loup » par F. Barlow (1687)

On se préoccupe beaucoup ces temps-ci des lanceurs d’alerte (whistleblowers) et l’on prépare des lois très strictes pour les protéger. Devenir lanceur d’alerte peut être honorifique, on est assez loin des considérations éthiques sur la délation. Cela peut même être lucratif, comme le montre la récompense du fisc américain de 100 millions de dollars à un banquier qui a dénoncé ses clients.

Mais qu’en est-il des lanceurs de fausses alertes, particulièrement lorsque celle-ci est consciente et volontaire ? Et qu’en est-il de la responsabilité pour les dommages causés à la santé publique du fait des mesures qui auront éventuellement été prises ? La question pourrait se poser dans le cas de la controverse actuelle sur les OGM. On peut, sur bien des aspects des OGM – tels que mode d’utilisation dans l’agriculture ou atteinte à l’environnement – se poser des questions légitimes et émettre des réserves. Mais sur la question de la santé humaine et animale, les choses sont devenues pour l’instant aussi claires qu’elles peuvent l’être. Le risque zéro n’existe pas et la preuve d’une innocuité totale ne pourra jamais être apportée, comme pour toute autre substance du reste, même l’eau ou le sel de cuisine. Mais l’on peut certainement considérer, dans l’état actuel des connaissances, que le risque posé par les aliments OGM n’est pas plus important, parfois même moindre, que celui posé par les aliments naturels ou biologiques. L’évaluation scientifique de l’étude de Séralini et al. démontre une fois de plus que l’alerte au cancer et à la toxicité chronique, non seulement pour le rat mais pour l’homme, ne repose sur aucune base sérieuse et représente effectivement une fausse alerte. La chronologie de la publication, le texte même cherchant à se justifier contre des critiques prévisibles et prévues, l’embargo décrété sur toute critique scientifique possible et l’orchestration médiatique bien organisée démontrent le caractère conscient et prémédité de l’alerte. Ces points ont du reste été abondamment relevés dans le rapport des six Académies scientifiques françaises [1].

Dans plusieurs domaines (par ex. fausse alerte à la bombe, au feu etc.), la fausse alerte délibérée, qui peut mettre en jeu des vies humaines, est punie par la loi. Dans le cas particulier, la propagande anti-OGM anxiogène, souvent mensongère, diffusée à grande échelle dans l’opinion publique, a déjà aujourd’hui plus d’effets délétères sur la santé que les OGM n’en auront jamais. Lorsqu’elle est mensongère, cette propagande constitue à mes yeux, et à ceux de beaucoup de mes collègues, une fausse alerte très nuisible. En effet, chez nombre d’individus psychiquement fragiles et enclins à la dépression, les angoisses alimentaires, confortées par la peur des OGM, contribuent à leur climat de vie négatif, alors que ces anxiétés sont totalement infondées. Ce phénomène est parfois particulièrement marqué chez les parents d’enfants souffrant d’allergie alimentaire sévère et où la peur des OGM devient cause d’actions inappropriées et de régimes draconiens effectivement nuisibles à l’enfant. Je le sais de première main, je les ai soignés.