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Histoire universelle de la connerie

Publié en ligne le 2 janvier 2020
Histoire universelle de la connerie
Collectif sous la direction de Jean-François Marmion
Sciences Humaines, 2019, 490 pages, 18 €

Jean-François Marmion, qui avait déjà dirigé un ouvrage sur un thème proche, la Psychologie de la connerie 1, nous propose ici, sous la forme de textes courts (entretiens ou articles) d’une vingtaine d’auteurs, un panorama instructif de l’universalité de la connerie. Depuis ses origines, par la plume de Jean-Paul Demoule 2 qui s’interroge, au-delà de l’étymologie du mot « con », sur l’origine de la connerie humaine qu’il attribue à la sédentarisation, elle-même ayant entraîné les inégalités de richesse et par voie de conséquence les guerres, jusqu’à ses avatars les plus récents comme, pour Elisabeth de Castex 3, le transhumanisme 4. Ainsi pour cette dernière : « les transhumanistes entendent accélérer ce processus de co-évolution humains-machines sans considération particulière pour ce qui pourrait constituer des spécificités humaines » (p. 432).

Au fil de ces textes, que l’on peut parcourir dans n’importe quel ordre, on trouvera des anecdotes variées sur l’histoire de l’humanité, mais aussi sur nos cousins primates. Par exemple un essai très intéressant de Jacques Vauclair 5 nous apprend que nous partageons avec eux certaines erreurs d’appréciation, comme les illusions d’optique. En ce sens, inutile de chercher ici une conceptualisation de la connerie, car ce livre est plutôt une compilation récréative d’exemples que chaque auteur prend dans sa spécialité avec plus ou moins de bonheur.

Les auteurs sollicités ont pu identifier la connerie à travers les âges et l’identifient tant chez les grands noms de l’Histoire que chez le commun des mortels. Que ce soit, selon Florence Maruéjol 6 s’appuyant sur des textes comme les journaux de l’armée, « Ramsès II […] aveuglé par une trop grande confiance en lui » (p. 74) ou Socrate, qu’Aristophane, dans sa comédie Les Nuées jugeait être d’une suffisance ridicule, rappelle Aurélie Damet 7, sans oublier les dictateurs comme Staline, Mao Tse-toung ou même Hitler (« peut-on dénommer connerie la démence raciste d’Hitler ? Comment pouvait-il imaginer que cette “race inférieure”, les Russes, aurait des T343 qui feraient flamber ses Tigres comme des boîtes d’allumettes ? » s’interroge Marc Ferro 8 p. 337), pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus fameux. Mais cet ouvrage ne se contente pas de brosser un tour d’horizon de la sottise prise dans son acception première, il cherche également à informer sur ce qui pourrait être qualifié de pires travers humains, par exemple la violence, les injures racistes, l’esclavagisme, ou encore les grands fourvoiements de l’humanité comme la colonisation, la bêtise médicale (au XIXe siècle), la guerre, le terrorisme, la prolifération mal contrôlée de nos déchets, tant de domaines, dans cet inventaire à la Prévert, où vont se nicher les plus grandes bêtises humaines mais aussi, parfois, les plus meurtrières.

Aucun des textes présentés ici ne demande de connaissances particulières. Certains jettent un éclairage particulier sur tel ou tel point de l’histoire, d’autres sont plus généralistes, mais tous ont en commun le souci de nous faire réfléchir sur ce que l’humanité est capable de produire de plus sombre.

Un livre, hétéroclite certes, mais édifiant par le regard qu’il porte sur certains éléments piochés dans notre histoire.

1 Psychologie de la connerie aux éditions Sciences Humaines. Voir la note de de lecture de Jacques Van Rillaer dans SPS n°328, avril 2019.

2 Professeur émérite d’archéologie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

3 Elisabeth de Castex est docteure en science politique. Elle est responsable d’un blog traitant des enjeux de l’humain augmenté, Anthropotechnie, à la Fondation pour l’innovation politique, cercle de réflexion qui inscrit sa réflexion « dans une perspective libérale, progressiste et européenne ».

4 Selon Wikipédia, le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer la condition humaine notamment par l’augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains.

5 5 Fondateur du centre de recherche en psychologie de la connaissance du langage et de l’émotion (centre PsyCLÉ), unité de recherches rattachée à l’université Aix-Marseille.

6 Attachée de cours à l’institut supérieur d’égyptologie Khéops à Paris qui est l’une des activités du fond Khéops pour l’archéologie (fond de dotation).

7 Enseignante chercheuse à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

8 Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.