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Gaz de schiste

Fracturation hydraulique : enjeux et solutions alternatives

Publié en ligne le 18 septembre 2014 - Énergie -

La production des hydrocarbures des roches mères, roches compactes, exige de fissurer la roche pour drainer le gaz ou le pétrole de schiste. La technique la plus couramment employée, la fracturation hydraulique, consiste à injecter de l’eau sous pression, à laquelle sont ajoutés quatre types de produits chimiques 1 – représentant moins de 0,5 % de la composition totale – et du sable pour fissurer la roche en évitant que les fissures ne se referment et faciliter la mise en production des puits. La fracturation hydraulique pose des problèmes liés à l’utilisation de l’eau et de ces produits chimiques.

Bien qu’aujourd’hui des progrès technologiques réels aient été apportés à cette technologie, des alternatives utilisant un autre fluide que l’eau ont été recherchées. Où en sommes-nous maintenant ?

La fracturation hydraulique

Les principaux défis posés par la fracturation hydraulique sont de réduire, voire éliminer :

  • la consommation d’eau : 10 à 20 000 m 3 d’eau sont nécessaires pour créer les zones de drainage nécessaire à l’exploitation d’un puits (cette eau pouvant provenir d’un aquifère salin profond et être en partie recyclée, sans grever ainsi la ressource en eau potable) ;
  • la pollution en surface : le début de l’exploitation consiste à purger le puits de l’eau injectée. L’eau remontée avec les produits chimiques qu’elle contient et ceux hérités des minéraux lessivés ainsi qu’une proportion des hydrocarbures à produire est stockée dans des bassins de décantation à l’air libre, avant traitement et réutilisation ; en cas de fuite de ces bassins, il peut y avoir une pollution en surface. D’autres pollutions de surface sont provoquées par le bruit généré par les compresseurs (amoindri par utilisation d’isolants phoniques), par l’impact du transport (résolu par la mise place de gazoducs) ;
  • les risques opératoires en surface, liés à la manipulation de lignes d’injection sous forte pression et aux risques de déflagration qui en découlent ;
  • l’impact climatique : les hydrocarbures produits avec l’eau d’injection et stockés à l’air libre s’évaporent (notamment le méthane) émettant ainsi des gaz à effet de serre (l’utilisation de systèmes de séparation confinée élimine ce problème) ;
  • la pollution en subsurface : en cas de contact d’une nappe phréatique par des fissures créées au niveau de la roche mère ou induites à partir des puits. L’utilisation des bonnes pratiques de complétion des puits évite les risques de fuites aux puits, de même ; la prise en compte des contraintes mécaniques s’exerçant sur les roches du sous-sol permet de contrôler l’extension des zones de fissuration ;
  • l’emprise au sol : de 1 à 2 hectares par plateforme pendant la phase de forage, l’occupation du sol peut être réduite par la minimisation des installations de surface durant les différentes phases d’exploitation et la miniaturisation des techniques de forage.

Enfin, un dernier défi concerne l’accroissement des performances techniques, notamment par l’optimisation du nombre de drains à forer et des stimulations à effectuer, de l’extension des zones de drainage créées et de l’amélioration de la productivité des puits, impactée notamment par le piégeage d’une partie de l’eau injectée dans le réseau de fissures.

Les alternatives à la fracturation hydraulique

Le propane gélifié

La stimulation au propane gélifié, déjà utilisée sur près de 2000 puits, consiste à remplacer l’eau par du propane dont la viscosité a été augmentée pour permettre le transport du sable. Cette technique améliore certains des critères énoncés plus haut. Ainsi, le problème de consommation d’eau est résolu car il n’y a plus recours à l’eau. Les risques de pollution en subsurface sont limités car la quantité d’additifs chimiques est réduite du fait de la miscibilité du propane avec les hydrocarbures en place et de la non réactivité du propane avec les minéraux de la roche. La séparation en surface effectuée en séparateur confiné n’émet pas de méthane dans l’atmosphère, répondant ainsi au problème climatique. Les performances techniques sont améliorées par absence du blocage de la production par de l’eau résiduelle. Enfin, la compressibilité du propane réduit les volumes de stockage et donc l’empreinte au sol des installations.

Le principal inconvénient en surface est celui de l’inflammabilité du propane (risques opératoires en surface). L’auto-inflammation du propane (qui ne survient qu’à température élevée, de l’ordre de 500°C) entraîne une classification Seveso des installations de surface et nécessite un rayon de sécurité pour pallier le risque de déflagration des tankers de stockage en surface et de leur inflammation.

Le propane pur

Pour réduire les risques de pollution en surface et en subsurface, il s’agit d’éliminer tout additif chimique. C’est le cas lorsqu’on injecte du propane pur, technique testée avec succès en décembre 2012 au Texas. La viscosité du propane pur étant trop faible pour transporter du sable standard, il faut recourir à des matériaux spécifiques (céramique poreuse ou alliage de polymères) légers mais résistants, aujourd’hui encore peu répandus dans l’industrie. Les autres critères ne sont pas dégradés par rapport à l’utilisation d’un propane gélifié.

Si les risques opératoires en surface sont diminués par rapport au cas précédent du fait que la vaporisation rapide du propane pur réduit les risques opérationnels sur le site de forage, ils demeurent néanmoins problématiques.

Substituer le propane par un dérivé non inflammable : le HFP

Pour pallier ces risques opératoires, un dérivé du propane rendu non inflammable est utilisé. Plusieurs produits commercialisés peuvent jouer ce rôle, dont l’heptafluoropropane (HFP), molécule dérivée de celle du propane (C 3 H 8) dans laquelle 7 des 8 atomes d’hydrogène (H) présents sont remplacés (d’où « hepta ») chacun par un atome de fluor (F).

Reconnu par la directive REACH (le règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques est entré en vigueur au niveau de l’Union Européenne le 1 er juin 2007), ce produit est commercialisé comme fluide extincteur d’incendie et fluide pousseur dans l’industrie pharmaceutique. Il ne se décompose qu’à haute température (640°C). Non ionisable, il ne se dissocie pas dans l’eau, sa solubilité est faible (0,23g/l). Stable en milieu aqueux, il l’est aussi vis-à-vis des métaux et des élastomères en conditions ambiantes.

Peu réactif, il n’entraîne pas d’effet toxique sur l’environnement ou la santé humaine, hormis à haute concentration (risque d’asphyxie). C’est un produit non classé dangereux pour la santé humaine. Par ailleurs, le HFP ne détruit pas la couche d’ozone.

C’est un gaz à effet de serre (pouvoir réchauffant de 3220 mais durée de vie de 34,2 ans), son émission dans l’atmosphère ne peut être qu’accidentelle. Si sa forte densité en phase vapeur (7,15 fois celle de l’air) impose des précautions de manipulation en surface, sa forte densité en phase liquide (1,4 fois celle de l’eau) devrait faciliter l’identification d’agents de soutènement allégés. La mise en production nécessite un protocole approprié tirant parti de la revaporisation du HFP lors de la baisse de pression exercée sur les puits.

Conclusion

L’injection de propane (gélifié ou pur) réduit les impacts de la fracturation hydraulique vis-à-vis de l’environnement et du climat, peut améliorer les performances d’extraction, mais entraîne une classification Seveso des sites d’exploitation, du fait de l’inflammabilité du produit. Des produits non inflammables, dont l’HFP, devraient réduire les impacts environnementaux, tant en surface qu’en subsurface.

Ces produits et procédés demandent toutefois à être testés et optimisés au laboratoire puis validés par la mise en œuvre de pilotes d’expérimentations à fins scientifiques, deux volets constituant un programme de recherche cohérent, en ligne avec les recommandations de l’ANCRE 2.

1 viscosifiant, antimicrobien, inhibiteur de dépôt et acide dilué (produits utilisés dans la vie courante).

2 Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l’Énergie, Rapport « Programme de recherche sur l’exploitation des hydrocarbures de roches mères » (2012). L’ANCRE, au delà de ses membres fondateurs (CEA, CNRS, CPU, IFPEN), réunit en tant que membres associés l’ensemble des organismes de recherche publics français concernés par les problématiques de l’énergie.

Publié dans le n° 308 de la revue


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L' auteur

François Kalaydjian

François Kalaydjian est directeur adjoint du Centre de Résultat Ressources à IFPEN (IFP Énergies nouvelles).

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