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Faut-il sortir du nucléaire ?

Publié en ligne le 3 janvier 2020
Faut-il sortir du nucléaire ?
Géraldine Woessner
Éditions First, Collection « Ça fait débat ! », 2019, 136 pages, 8,95 €

La collection « Pour les nuls » est connue de tous pour les qualités pédagogiques de ses ouvrages. Olivier Duhamel y dirige une nouvelle série sous le titre « Ça fait débat ! » et la profession de foi qu’il signe pourrait être celle de l’Afis : « Contre la démagogie, la pédagogie, contre les menteurs qui chiffrent, les chiffres qui ne mentent pas, contre l’empire des émotions les exigences de la raison. » Le premier ouvrage de cette collection illustre avec talent ce programme.

La question du nucléaire est une des plus controversées qui soit. Et l’information des citoyens sur ce sujet est d’une médiocrité telle qu’on peut y voir un exemple paradigmatique du renoncement de l’État face aux faiseurs d’opinion. Et pourtant, « l’urgence climatique » demanderait que cette question soit traitée avec rigueur par des gouvernements qui verraient plus loin que les élections suivantes.

Ce livre vient à point nommé alors qu’il ne se passe pas un jour sans que la propagande antinucléaire la plus grossière soit servie à longueur d’articles dans les grands médias. Il commence par une description soignée de l’historique du nucléaire civil et militaire en France et de la logique des choix effectués par un État, à l’époque, stratège. On y comprend que le choix des centrales, la fabrication du combustible, la gestion des déchets ne peuvent être découplés. Cette cohérence d’ensemble est explicitée dans la seconde partie qui aborde de front des questions controversées comme le vieillissement du parc, la question des coûts, les déboires de la nouvelle centrale de Flamanville et la question épineuse du futur du nucléaire et des filières de génération IV.

Le chapitre « Nucléaire et santé » est un modèle du genre sur un sujet où la rhétorique de la peur a fait florès. Les pages sur les coûts comparés de l’électricité nucléaire et de l’électricité renouvelable (p. 59-61) confirment ce qu’avaient dit deux excellents rapports de la Cour des comptes promptement enterrés (« Coût de production de l’électricité nucléaire » en 2014 et « Le soutien aux énergies renouvelables » en 2018). Sans complaisance, l’auteur décrit aussi la perte de compétences à l’origine des difficultés actuelles de la filière (p. 57-59). Le chapitre concernant les déchets nucléaires apporte clarté et précision sur un sujet où les déclarations incantatoires tiennent trop souvent lieu d’argument (p. 85-97). Les vrais problèmes sont liés au transport et à l’entreposage temporaire des déchets, et non à leur stockage définitif dans un site géologique bien choisi. La dernière partie de l’ouvrage (p. 117-129) reprend méthodiquement dix idées reçues sur le nucléaire, sur le refroidissement en temps de canicule, sur la possibilité pour une centrale de se transformer en bombe, sur l’opacité du lobby nucléaire, sur la gestion des déchets, sur le caractère non démocratique des décisions… Et sur chacune de ces idées l’auteur démêle ce qui relève des faits et ce qui relève des fantasmes.

Ce petit ouvrage, remarquable de pédagogie, est solide dans son information, rigoureux dans son exposition et d’une scrupuleuse honnêteté dans ses conclusions. Écrit par une journaliste qui n’est pas scientifique de formation, il apporte une analyse exempte de jargon témoignant que la science doit être reconnue comme un bien commun des citoyens. Ceux qui connaissent le sujet y trouveront une excellente synthèse qui ne cache pas les problèmes. Ceux qui ne le connaissent pas y trouveront une introduction à un sujet difficile et important pour notre avenir. Ce livre fait œuvre de salubrité publique, dans l’esprit voulu par Olivier Duhamel, en ce qu’il informe le citoyen et lui propose de raisonner au lieu de l’abreuver de prêches sans preuves. Il est à souhaiter que les citoyens le lisent et qu’ils fassent comprendre à ceux qui prétendent les diriger sans les informer qu’ils ne seront pas dupes très longtemps.