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Dernières nouvelles de Mars

Publié en ligne le 16 octobre 2020
Dernières nouvelles de Mars

Francis Rocard
Flammarion, 2019, 178 pages, 12 €

La planète Mars est vraiment envoûtante. Son petit disque orangé qui semble enfler et devenir parfois si éclatant intrigue depuis toujours. Abrite-t-elle la vie ? L’Homme pourra-t-il mettre l’empreinte de son pas dans sa poussière rouge ? L’image fait rêver et continue d’envahir nos imaginaires. Mais qu’en est-il réellement ? Au milieu d’un dédale de projets ambitieux ou tonitruants qui fleurissent ici ou là, Francis Rocard, astrophysicien en charge des programmes d’exploration du système solaire au Cnes, nous propose de faire le point avec des informations précises et actuelles. Le titre est plutôt trompeur, car si le début de l’ouvrage explore la planète sur le plan géologique, l’essentiel est consacré à la conquête martienne.

Mars est d’une taille intermédiaire entre la Terre et la Lune et n’a pu maintenir que pendant 500 millions d’années son atmosphère, qui aura permis un temps l’existence d’eau liquide à sa surface. L’absence d’une couche d’ozone, qui protègerait des rayons ultraviolets stérilisants, est défavorable à la vie et d’ailleurs les multiples sondes lancées avec toujours d’ardents espoirs ont donné des résultats bien peu fertiles. La recherche s’oriente aujourd’hui vers la prospection d’une hypothétique vie microscopique en grande profondeur, avec des forages de l’ordre du kilomètre.

La mission lancée dernièrement, Mars 2020, est une première. Elle prévoit le retour d’échantillons martiens dans nos laboratoires vers 2030. Sa réalisation, d’une extrême complexité, est cruciale pour tester les facteurs qui pourraient être des obstacles à un futur voyage habité. Ce premier aller-retour entre la Terre et Mars produira vraisemblablement un effet psychologique marquant, en vue des vols habités. Mais quelles sont les justifications d’envoyer des hommes sur Mars ? Est-ce si important ? C’est l’héritage du programme Apollo qui a donné, aux États-Unis, le ton vers les missions habitées, entraînant la Nasa à aller sans cesse de l’avant pour maintenir le prestige de leur programme spatial.

L’ouvrage expose en détail les missions possibles et leurs contraintes incontournables, comme le respect des fenêtres de lancement, le transport de l’équipage pendant au minimum deux cents jours, les quantités colossales d’eau et d’oxygène à emporter (il faudrait dix tonnes d’eau), les différentes méthodes de propulsion, chimique ou nucléaire thermique. L’auteur souligne qu’il n’y aura pas de solutions techniques pour se prémunir des radiations à très haute énergie. Pour le transport, l’apport de la propulsion nucléaire serait déterminant en permettant d’emmener les imposantes charges nécessaires, mais les risques lors du lancement ne sont pas estimés. Les difficultés du programme sont énormes et les embûches présentes à chaque étape. De la version simple du premier pas sur Mars, avec station spatiale en orbite, à une hypothétique mission longue avec base martienne pour la culture de légumes, mais sans véritable finalité scientifique, ce livre permet aussi un voyage dans l’impossible. Toutes ces flamboyantes missions 1 finissent par sentir un peu le roussi. Par ailleurs, les descriptions de tous les aspects techniques, des différents véhicules ou modules possibles, sont assez fastidieuses. Donc, à réserver aux férus de l’exploration spatiale, avec un coup de cœur pour la présentation. L’ouvrage est si raffiné, avec ses titres orange et ses élégantes photos soulignées de tons cuivrés, qu’il est très agréable à consulter.

1 Les médias se font régulièrement l’écho des projets extravagants et utopiques d’Elon Musk, par exemple.