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Courrier des lecteurs : octobre à décembre 2016

Publié en ligne le 29 avril 2017 - Rationalisme -
SPS n°319, janvier 2017

Nous ne pouvons pas publier tous les courriers reçus, ni les publier dans leur intégralité. Les choix opérés et les coupures faites sont de la seule responsabilité de la rédaction.

Température ressentie

Je voudrais savoir ce que vous pensez du concept de « température ressentie » et de l’usage qui en est fait par la Météo Nationale et les Médias en général. De mon point de vue, ce concept est une absurdité anti-scientifique qui génère la confusion auprès du « grand public » tout en prétendant éclairer celui-ci.

Le phénomène de refroidissement d’un être vivant à sang chaud exposé à un courant d’air dont la température est inférieure à sa température corporelle est évidemment un phénomène avéré et aisément explicable, quant à « mesurer » celui-ci en utilisant le mot température et une échelle exprimée en degrés, c’est provoquer une double confusion sémantique d’une part, comme si on utilisait le même mot pour vitesse et accélération, et aussi en termes d’unité de mesure, puisqu’on utilise un outil (le degré) qui n’est pas adapté au concept mesuré.

Je crois savoir que quand la Météo annonce une mesure de température, il s’agit de la température de l’air sous abri. Quand [elle] annonce dans la même phrase « température prévue 6°, température ressentie 3° », les deux prédictions portent sur des concepts complètement différents… […] Personnellement, je ressens comme une dérive de notre société l’invasion par celle-ci de concepts douteux et approximatifs privilégiant la sensation… ou le sensationnel au détriment de mesures objectives et rationnelles.

P. B.

Effectivement, la sensation de chaud ou de froid ressentie par le corps humain n’est pas directement liée à la température de l’air : elle est fonction du bilan des flux d’énergie échangés entre le corps et l’air ambiant (par rayonnement, convection et conduction). Ce bilan détermine la température de surface de la peau, variable d’équilibre à laquelle nous sommes sensibles et qui est une fonction complexe de phénomènes internes de régulation physiologique et de grandeurs météo externes intervenant dans ces échanges thermiques. C’est ainsi qu’à l’ombre d’un arbre on ressent une sensation de chaleur moindre qu’à quelques pas de là, au soleil ; la température de l’air y est sensiblement la même, mais le flux radiatif incident, d’intensité plus forte au soleil, modifie le bilan thermique de la peau et élève sa température. C’est bien la raison pour laquelle on ne devrait pas parler, comme on l’entend souvent, de température de l’air « au soleil », qui prête à confusion ; la seule référence valable est la température de l’air sous abri fournie par les services météorologiques.

La notion de « température ressentie » provient de travaux de chercheurs nord-américains qui s’intéressaient au refroidissement du corps par temps froid. En exposant à diverses températures et vitesses de vent des volontaires placés dans une soufflerie réfrigérée, ils ont mesuré la perte d’énergie de parties non protégées de leur visage, en l’appelant (improprement) « indice de refroidissement éolien » (flux de déperdition thermique, en réalité). Là où la démarche introduit une certaine confusion, c’est que, partant du principe qu’un flux exprimé en Watt par m² était difficilement compréhensible par le public, ils ont transformé cette grandeur en une « température » dite « ressentie », dont la valeur traduit la sensation que peut ressentir la peau à une température donnée, en présence d’une vitesse de vent plus ou moins forte.

Faut-il pour autant condamner cette température ressentie ? Si vous avez raison sur le principe, il ne faut pas prendre cette dernière pour autre chose que ce qu’elle est, c’est-à-dire une quantification approximative, pratique du fait que, pour le corps humain, la sensation de froid à -10°C sans vent, par exemple, est à peu près équivalente à la sensation qu’il éprouverait à -5 °C avec un vent à 20 km/h. Cette notion n’est pas une « absurdité anti-scientifique », il s’agit juste pour les organismes météo d’inciter les citoyens à s’habiller plus chaudement que ce qu’une simple lecture des prévisions de température de l’air pourrait laisser penser. Il est vrai que des efforts pédagogiques sont à faire en matière d’information du public ; c’est justement ce que fait Météo-France sur son site, avec des articles de vulgarisation sur divers sujets, dont la température ressentie.

Y. B.

Andullation

Répétitivement apparaît dans les journaux une publicité vantant les mérites d’une thérapie appelée « andullation ». Une base scientifique sérieuse supporte-t-elle cette méthode ? Le site sur le WEB semble se référer aux travaux de scientifiques reconnus. Qu’en est-il, à votre avis ?

R.G.

L’andullation affirme les bienfaits sur la douleur ou pour les performances sportives de massages vibratoires parfois complétés par une exposition à un rayonnement infrarouge (chaleur). Des produits sont commercialisés par les sites « distributeurs officiels » qui font la promotion de la méthode (matelas, tapis de fitness, etc.). Des centres se sont spécialisés autour de cette méthode. La visite d’un des sites de référence (www.hhp.be) contient tous les ingrédients faisant soupçonner une pseudo-médecine : l’affirmation de bienfaits globaux, une technique présentée comme « développée par des scientifiques, des cliniques universitaires et des médecins », des témoignages de sportifs, de kinés, de médecins ou de particuliers qui vantent la méthode et la mention de recherches scientifiques en cours (sans que les références précises ne soient données). Il faut se reporter au site de l’IAAT (International Association for Annulation Technology) pour en savoir plus. Des médecins et professeurs au CV bien garni sont mis en avant. Un onglet spécifique rassemble treize études supposées prouver la validité de l’andullation. Si on laisse de côté des rapport internes, un mémoire d’étudiant, un article d’une lettre de liaison et des articles « en cours de publication », il reste deux ou trois études qui disent, en gros, qu’un massage vibratoire ou une exposition à une source de chaleur ciblée peut avoir des effets sur le corps. Une recherche avec le mot clé « andullation » dans la principale base de données d’articles médicaux (Pubmed) ne ramène que deux études. La première a porté sur 42 souris et a montré un effet vasodilatateur des vibrations. La seconde évoque une réduction du stress et une amélioration du flux sanguin dans une opération de transfert d’embryons.

Bref, pour faire simple, l’andullation semble être un mot à l’air « savant » ajouté sur des techniques de massage et de réchauffement qui semblent bien inoffensives et peuvent aider, comme tout massage, au bien-être. Le mot « andullation » permet de créer une apparence de discipline nouvelle, avec ses praticiens et ses adeptes, visant à développer des produits dérivés, et au final à créer un business sans doute rentable (aucun prix n’est donné sur les sites commercialisant les différents produits).

J.-P. K.