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Courrier des lecteurs : juillet à septembre 2010

Publié en ligne le 19 octobre 2010 - Rationalisme -

Prêcher des convaincus ?

Je viens de recevoir le premier numéro de mon abonnement [et] je l’ai lu de A à Z. Je trouve bien intéressants certains articles, mais dans l’ensemble je suis un peu déçu. Je vais vous expliquer pourquoi. […]

Rationaliste, sceptique, voire cynique (un peu), mais optimiste quand même. Lecteur de Scientific American depuis 1968, fan de feu Martin Gardner, Michael Shermer […], de Robert Park (Voodoo science, 2000), Mark Ridley, Richard Feynman (une idole !), Simon Singh (j’ai signé sa pétition et j’ai tout lu de ce qu’il a écrit), Richard Dawkins (tout lu ou presque), Stephen J. Gould, Isaac Asimov, et nombreux autres auteurs du genre […]. J’étais abonné à la revue Skeptic de Shermer, mais j’étais déçu, un peu pour les mêmes raisons que pour votre revue.

Comme pour celle de Michael Shermer : vous prêchez des convaincus ! La lecture de votre mise en page, très dense, n’est pas folichonne, en comparaison avec des revues du style Science et Vie. Certes, c’est mille fois plus sérieux, mais si nous voulons atteindre les gens qui sont influencés par la télé, par Internet, nous aurons du mal avec cette démarche.

Je trouve aussi que les thèmes (autres que le gros thème spécial de ce numéro 291) se répètent trop (comme chez Shermer) : astrologie, homéopathie, rayonnements magnétiques et autres charlataneries.

Je prends comme exemple l’interview avec Daniel Kunth : il a bien sûr parfaitement raison, tout ça c’est évident pour tous les lecteurs ou adhérents d’AFIS ; mais croyez-vous vraiment qu’avec ce genre d’article vous allez convaincre un adepte de l’astrologie de laisser tomber sa croyance ? […].

Ceci dit, la partie consacrée au débat sur le climat contenait quelques articles intéressants. Je suis par exemple, tout à fait d’accord avec l’analyse du livre d’Allègre (que j’ai lu) faite par Michel Naud. Quel gâchis ce livre ! Allègre discrédite finalement plus qu’il n’aide, alors qu’il a raison sur le fond, et qu’il pourrait être un ambassadeur important puisque déjà bien en vue, bien connecté !

Donc la question est : comment pouvons-nous, tous les scientifiques rationalistes, agir au niveau des hautes instances politiques, médiatiques, de l’éducation nationale, voire des entreprises ? […]

Karl Lintner

Climat confus ?

Une fois n’est pas coutume, la lecture de votre dossier sur le réchauffement climatique dans votre n° 291 de SPS m’a laissé dans l’ignorance.

Dans l’introduction à ce dossier vous proposez de démêler les « faits et ce qui relève des spéculations, ce qui est de l’ordre du travail scientifique et ce qui relève de l’engagement politique ». Si l’article d’André Lebeau est un modèle d’exposition des enjeux et débats liés au changement climatique, la suite du dossier me semble obscure. Tout d’abord, alors que le GIEC semble concentrer vos critiques vous n’avez à aucun moment (excepté brièvement dans l’article d’André Lebeau) expliqué son fonctionnement, son rôle et sa composition. Mais vous semblez regretter un mélange néfaste entre politique et science au sein de cette organisation. Je n’ai lu à aucun moment que le GIEC avait un pouvoir de décision politique. Par ailleurs, il semble que celui-ci soit divisé en groupes chargés de différentes missions, le groupe 1 ayant pour rôle unique l’étude des bases physiques du changement climatique. N’est-ce pas une forme d’indépendance pour la mission liée aux faits scientifiques ? Les services publics d’expertise scientifique que vous défendez à juste titre dans SPS n’ont-ils pas pour mission d’éclairer les décideurs politiques sur la base de faits scientifiques ? Une présentation plus claire de ce qu’est le GIEC aurait peut-être permis de répondre à ces questions et aux nombreuses autres que les lecteurs doivent se poser.

Le deuxième point brumeux concerne la présentation du débat scientifique. Pourquoi avoir choisi de consacrer 10 pages (j’inclus les notes de lecture) au débat navrant Allègre/Huet qui ne sont pas des spécialistes de climatologie, et qui pour le coup sont fortement polémistes et politisés ? Pourquoi réserver le même nombre d’articles aux thèses « climatoseptiques » qu’aux « carbocentristes » (et la même proportion dans les notes de lecture). Cela reflète-t-il les avis de la communauté scientifique ? Il existe des débats du même type dans toutes les disciplines scientifiques (tenants et opposants du Big-Bang par exemple), pourquoi n’y consacrez-vous pas des articles dans SPS pour illustrer le fonctionnement de la science ? Pourquoi celui-ci en particulier quant vous ne cessez de préciser le chaos idéologique et économique qui l’entoure ?

À la lecture de ce dossier, voici ce que je retiens : Le GIEC a la mainmise sur la climatologie mondiale (financement de projets, étouffement de thèses alternatives) et exerce des pressions politiques sur les États = théorie du complot. Claude Allègre, qui n’est pas un climatologue, qui est un politicien de longue date, écrit des livres qui méritent d’être lus même si le coquin à tendance à trafiquer les données. J’ai connu SPS plus exigeant dans la qualité de son argumentation. Le débat fait rage chez les climatologues qui se divisent pour moitié entre des carbocentristes et des héliocentristes. Rien ne prouve donc à l’heure actuelle qu’il faille limiter les émissions de gaz à effet de serre, il faut attendre encore une dizaine d’années pour que les choses se tassent. Si c’est le message que vous souhaitiez faire passer, bravo. Sinon soyez à l’avenir plus vigilants dans la façon de présenter vos dossiers.

Je souhaite terminer sur une note agréable pour vous remercier de faire exister cette revue indispensable que je lis depuis plusieurs années avec un intérêt grandissant. Bravo pour votre travail.

M. S.

Votre commentaire ne proviendrait-il pas d’un décalage entre votre attente et l’objet du dossier ? Ce dossier n’était pas destiné à vous dire « tout sur le changement climatique ». Si tel avait été l’objet nous serions d’accord avec vous : nous ne donnons aucune réponse ; et pour en formuler une, il serait totalement injustifié de donner une égalité formelle en terme d’espace dans la revue au courant principal de la climatologie scientifique et aux critiques multiformes qu’il rencontre.

Notre objet était, comme annoncé en couverture, de jeter un regard sur « les éléments de la controverse » : il était donc indispensable de réaliser un focus sur la controverse elle-même. C’est ainsi qu’il faut interpréter la diversité des points de vue exposés et le zoom sur l’aspect peut-être le plus caricatural qui est la passe d’armes entre Huet et Allègre. Il nous semble que vous surinterprétez en conséquence l’exposition que nous réalisons des thèses climatosceptiques ou écolo-sceptiques. Nous n’avons en particulier jamais laissé entendre que « le GIEC a la mainmise sur la climatologie mondiale (financement de projets, étouffement de thèses alternatives) et exerce des pressions politiques sur les États = théorie du complot » ! De même, nous n’avons jamais suggéré qu’il faille attendre « encore une dizaine d’années pour que les choses se tassent » : nous écrivions au contraire, dans notre introduction, « il est difficile d’exiger des responsables politiques qu’ils attendent 20 ans, 30 ans, peut-être davantage, que la “nature tranche” [pour prendre des décisions] » ; nous aurions pu écrire « 10 ans », mais notre propos était clairement que certaines décisions ne peuvent attendre une certitude définitive. Ainsi, le « message que nous voulions faire passer » n’est pas exactement celui que vous avez reçu, ce qui ne peut que nous encourager à être « à l’avenir plus vigilants dans la façon de présenter [nos] dossiers. ».

Au-delà de l’éclairage sur les éléments de la controverse, notre idée force était de convenir que, autant rien ne saurait justifier d’écarter d’un revers de la main les conclusions du groupe 1 du GIEC, qui, de rapport en rapport, remplit le mandat qu’il a reçu en dressant un état des lieux actualisé des connaissances et incertitudes scientifiques, autant, s’appuyer sur cet état des lieux pour prétendre mener une politique au nom de la science, est une usurpation flagrante.

Michel Naud et Martin Brunschwig

La science instrumentée

Je lis toujours avec beaucoup d’intérêt vos articles sur le site Web. Je vous remercie [pour] la qualité certaine de leurs contenus. Je reviens toutefois sur votre éditorial du numéro 291 de Science et pseudosciences.

Je trouve qu’il manque une mise en garde à la suite de celles exposées. Car, si souvent la science est instrumentée, ce qui est très regrettable, il est tout aussi malheureux que la science instrumente le débat public. C’est notamment tout le danger auquel sont exposés les scientifiques du GIEC. En acceptant d’interpréter leurs conclusions scientifiques dans une optique politique prédéfinie et en acceptant de se soumettre à fournir des propositions d’actions publiques réparatrices et, de surcroît, préalablement aux conclusions des études, ces chercheurs pervertissent leurs études futures et leur ôtent de facto toute objectivité scientifique. Cela sans même remettre en cause leur éthique scientifique. Au surplus accepter de participer au battage médiatique (notamment en participant aux conférences intergouvernementales sur le climat), leur retire toute capacité à arbitrer, du point de vue scientifique, les débats publics.

Si les politiciens sont fautifs lorsqu’ils instrumentent la science, les scientifiques en sont responsables aussi lorsqu’ils y participent. La science doit, pour rester objective, être empreinte de scepticisme, de modestie, d’autocritique et se pratiquer dans une relative discrétion. Il est des plus aberrant que le GIEC, lui-même, se réfugie derrière un consensus. Le consensus n’est pas un critère scientifique mais un critère politique.

Le GIEC acceptant ces travers a généré l’émergence légitime des climato-septiques qui sont tout sauf les farfelus, auxquels ils sont souvent réduits. Climato-septiques réduits aussi souvent à des inciviques, ce qui montre bien que l’on n’est plus dans le débat scientifique mais dans celui politique.


Olivier Montulet (Liège, Belgique)

Signes et constellations du zodiaque

J’ai été très intéressé par l’entretien avec Daniel Kunth (n° 291, « Astrologie : Le point de vue d’un astronome Professionnel ») En tant qu’animateur scientifique en astronomie, je m’emploie à faire comprendre la différence entre ces deux activités que les novices confondent en général.

Pour souligner cette distinction, j’ai pris l’habitude de parler de constellations du zodiaque en astronomie et de signes du zodiaque pour l’astrologie. Le but de l’article est d’éclaircir les points de vue. Il me semble que ligne 11 page 76 dans la première colonne, le terme « signes » convenait mieux au propos que « constellations ». Qu’en pensez-vous ?

Patrick Lagrange

Vous avez raison de faire la distinction entre constellations et signes du zodiaque. Les constellations sont des regroupements conventionnels d’étoiles en fonction de leurs positions apparentes dans le ciel. Elles n’ont d’autre utilité que d’aider l’amateur à se retrouver dans le ciel. Les noms des constellations ont été donnés par les Anciens, sur la base des dessins qu’ils imaginaient représentés par les étoiles. Les signes des astrologues ne sont que des rectangles uniformes qui recoupent plus ou moins bien (parfois très mal) les constellations du même nom dans leurs positions d’il y a deux mille ans. Mais depuis, ces rectangles ne coïncident plus du tout avec les constellations (phénomène de la précession des équinoxes).