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Antennes relais : l’AFIS écrit au maire de Nantes

Publié en ligne le 15 avril 2009 - AFIS -

L’Association Nantes-Atlantique pour l’Information Scientifique a pris connaissance dans l’édition du 10 avril 2009 du quotidien Presse Océan de la décision prise par la mairie de Nantes à propos de l’installation d’antennes-relais de téléphonie mobile sur la maison des associations des Bains Douches (Allée de la Maison Rouge, Nantes). Ainsi, nous annonce le quotidien : «  Aucune antenne relais ne sera implantée sur le bâtiment  », précise Alain Robert, adjoint au maire dans sa lettre au collectif, «  et ce, même si une autorisation d’urbanisme a été délivrée en ce sens  ». Aucune autre explication n’est apportée à l’appui de cette décision.

La municipalité est propriétaire de ce bâtiment. Par ailleurs une charte, établie en 2002 et renouvelée en 2005, lie la municipalité de Nantes aux principaux opérateurs de téléphonie mobile. Cette charte s’appuie sur « le principe de précaution » 1. Sans qu’aucune justification ne soit portée à la connaissance des habitants de l’agglomération, la municipalité de Nantes vient donc de violer la propre charte qu’elle a signée, contribuant ainsi à la confusion et à la distillation de l’inquiétude au sein de la population.

Conformément à l’objectif que nous poursuivons d’éclairer l’interface entre l’avancement des sciences et des techniques et la société, et ce d’autant plus lorsque ces nouveautés sont tout à la fois source d’amélioration des conditions matérielles d’existence des êtres humains mais aussi source d’inquiétude pour un certain nombre d’entre eux, nous entendons, contribuer au débat en instruisant sur la base des faits, en disant l’état des connaissances et des incertitudes, et en nous tenant à l’écart des croyances et craintes non fondées. La question de la dangerosité des antennes relais de téléphonie mobile revient de façon récurrente depuis de nombreuses années et ce bien que sur le plan scientifique elle pourrait pourtant légitimement être considérée comme close. 2

Des arguments régulièrement mobilisés dans les affaires de voisinage avec des antennes de téléphonie mobile sont que les personnes inquiètes, suspicieuses voire hostiles à l’égard de ce voisinage demandent que « la preuve scientifique de l’innocuité » soit apportée et formulent la demande récurrente que ces éléments soient apportés par des « études indépendantes ».

La preuve scientifique de l’innocuité

Le renversement de la charge de la preuve crée une incompatibilité logique insurmontable pour un scientifique car il est clairement établi qu’une inexistence ne peut pas être démontrée : il n’est pas plus possible de prouver l’inexistence de fantômes, du père Noël ou d’un agent surnaturel, que celle de l’innocuité des antennes relais ou de la consommation du gâteau nantais. Il ne sera pas apporté de « preuve scientifique de l’innocuité » car une telle demande ne pourra tout simplement jamais être satisfaite. Par contre il peut être affirmé 1) qu’aucun effet sanitaire n’a pu être constaté à ce jour, et ce avec un recul de plusieurs décennies d’expérience en matière d’ondes électromagnétiques pour la radiophonie et la télévision, et 2) qu’aucune hypothèse crédible sur le plan scientifique ne peut être émise qui accréditerait à ce jour l’idée d’une nocivité potentielle. C’est d’ailleurs ainsi que commence la charte établie par la mairie de Nantes : « l’hypothèse d’un risque sanitaire pour les populations vivant au voisinage des stations de base de téléphonie cellulaire n’a pas été retenue à ce jour étant donné le faible niveau des expositions mesurées, confirmé notamment par la campagne de mesures réalisée par l’Agence Nationale des Fréquences ». 3

Les études indépendantes

De la même façon, l’insatisfaction de personnes persistant à être inquiètes malgré les avis des agences de sécurité sanitaire, et bien souvent ne parvenant pas à comprendre pourquoi il n’est pas possible d’apporter cette fameuse preuve scientifique d’innocuité qu’il leur paraît pourtant légitime de demander, conduit à la revendication de la réalisation d’études « indépendantes » et à faire état d’une multitude de publications alternatives dont la floraison, notamment sur internet, est d’autant plus prolifique que seuls des réseaux militants (Robins des toits, Criirem, etc.) trouvent un intérêt quelconque à communiquer avec une telle volubilité. Comme l’écrit la biologiste Anne Perrin, « l’idée est répandue que la recherche française est assujettie à la pression des lobbies qui empêchent la vérité d’apparaître au grand jour en contrôlant les publications avec la complicité des institutions publiques. Le chercheur est systématiquement suspecté, comme s’il ne pouvait pas être capable d’intégrité et d’autonomie. Pourtant, personne parmi ceux qui parlent sans cesse d’indépendance ne semble s’émouvoir du fait que le rapport Bioinitiative, cité en référence, ait été orchestré par une personne qui vend des systèmes de protection anti-ondes pour l’habitat. Mais manipuler habilement le mot indépendance fait recette, c’est l’arme absolue qui permet à l’occasion de masquer les compétences douteuses, d’ouvrir la porte à toutes les élucubrations » 4

Le service public de l’expertise scientifique : seul garant de la protection sanitaire de la population

Les Nantais comme les autres habitants de ce pays ne peuvent être compétents sur tous les sujets. Les citoyens de ce pays ont la chance de pouvoir s’appuyer sur des institutions publiques de recherche et un service public de l’expertise scientifique : l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), les Académies nationales des Sciences et de Médecine, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET), etc.

En violant la propre charte qu’elle avait établie, en contribuant à la confusion générale, en donnant corps à l’inquiétude infondée d’une fraction de la population en matière d’antennes relais, et en contredisant de facto les avis des agences de sécurité sanitaire, la municipalité de Nantes sape les bases de la confiance de la population dans les institutions en charge de sa protection sanitaire et contribue aux efforts de certains réseaux militants œuvrant au démantèlement du service public de l’expertise scientifique. Qui plus est, le cas de Nantes n’est pas isolé et nourrit la désinformation qui prospère, en Loire-Atlantique comme à l’échelle nationale.

Les Nantais sont en droit d’exiger une clarification de la posture de leur municipalité. L’Association Nantes Atlantique pour l’Information Scientifique écrit en ce sens à la municipalité de Nantes et fera connaître la réponse éventuelle qu’elle en recevra.

Michel Naud, président de l’Association Nantes Atlantique pour l’Information Scientifique (ANAIS)

Contact : afis44@free.fr.

1 Pour parler précisément cette charte s’appuie en réalité sur le « principe d’attention »
La municipalité de Nantes communique en disant que l’établissement de la charte relative aux stations de base de téléphonie mobile a été établie conformément au « principe de précaution ». Il s’agit en réalité d’une concession, probablement inconsciente, à une utilisation incorrecte de cette terminologie. En réalité la municipalité de Nantes a mis en application le « principe d’attention ». Le principe de précaution est invoqué à tort et à travers néanmoins ces différents termes ont des significations précises. Lorsqu’elle avait été mise en place, l’agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), aujourd’hui Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET, http://www.afsset.fr ) avait défini les principes qui s’appliquent à l’issue d’une expertise scientifique de qualité :
 Si un danger est avéré, il convient de veiller à ce que les mesures mises en œuvre permettent de protéger en priorité les personnes les plus vulnérables ( principe de prévention et principe de vulnérabilité )
 Si l’analyse des données scientifiques conclut à l’existence d’un doute sérieux sur la possibilité d’effets graves et irréversibles, il est alors préconisé de prendre des dispositions visant à réduire ce risque potentiel, même si les faits scientifiques ne sont pas parfaitement établis ( principe de précaution )
 Dans certaines situations, alors même qu’il n’existe aucun argument scientifique justifiant des préoccupations sanitaires, il est un fait que certaines personnes se sentent menacées dans leur santé ; lorsque ce phénomène affecte un nombre important de personnes, cela devient une véritable question de santé publique à laquelle il importe de répondre par des mesures adaptées, notamment en manifestant une écoute des souffrances et des craintes et en y apportant des réponses dans la mesure du possible ( principe d’attention )

Dans le cas des antennes relais de téléphonie mobile aucune donnée scientifique ne permet d’envisager un « doute sérieux sur la possibilité d’effets graves et irréversibles » : le principe de précaution n’a donc pas à s’appliquer. Néanmoins il est un fait qu’un nombre significatif d’habitants de la commune ressentent une menace sanitaire : tel est bien le champ du principe d’attention.

C’est bel et bien le cadre retenu de facto par la municipalité de Nantes tel qu’il transparaît de la lecture des considérants de la charte de 2005 : la municipalité s’inscrivait, à juste titre, dans le cadre du « principe d’attention », même si, à tort et concédant à l’usage courant et inapproprié de l’expression, elle fait référence dans sa communication ( http://www.nantes.fr/fileadmin/telechargements/Mairie/Actualites_municipales/Telephonie_mobile/Chartemobile05.pdf page introuvable—28 mars 2020) au « principe de précaution ».

2 Les faits (on se reportera à notre site https://www.afis.org et à la revue Science et pseudosciences )
Le groupe d’experts réuni en 2001, et auquel se réfère la charte établie par la municipalité de Nantes, concluait déjà à l’absence d’effets sanitaires qui seraient dus aux ondes émises par des stations de base. Les données scientifiques les plus récentes ne remettent pas en cause cette conclusion. Plusieurs arguments étayent cette affirmation :
la puissance des rayonnements reçus des stations de base, au-delà de quelques mètres des antennes relais, est sensiblement plus faible que la puissance de ceux reçus des émetteurs de radio et de télévision, qui sont dans des gammes de fréquences proches.

En l’état actuel des connaissances scientifiques, aucun effet sanitaire n’a été démontré en lien avec les rayonnements liés aux émissions de la radio et de la télévision auxquels nous sommes exposés en continu depuis des décennies, et qui ont pourtant un plus grand pouvoir de pénétration dans les tissus biologiques que les ondes de téléphonie mobile.

Les mesures régulièrement effectuées confirment que les stations de base de téléphonie mobile n’émettent aucun autre champ électromagnétique que celui pour lesquels elles sont conçues.
Aucun mécanisme connu ne permettrait d’apporter un cadre pour élaborer des explications scientifiques crédibles à ce qui seraient des effets biologiques à des niveaux de puissance aussi faibles.

Les symptômes rapportés à proximité des stations de base sont, le plus souvent, des symptômes fréquemment déclarés en médecine générale, que ce soit avec ou sans station de base ; ces symptômes sont d’autant plus fréquemment ressentis et déclarés que les personnes sont préoccupées et anxieuses, que ce soit du fait de leur état psychique individuel ou du fait de leur environnement social.

Sollicitée à son tour par la Direction Générale de la Santé, en 2002, l’Unité de Recherche U330 (Epidémiologie, Santé Publique et Développement) de l’INSERM confirmait « qu’absolument aucune hypothèse crédible quant à la nocivité des antennes » n’était soulevée par la communauté scientifique et que si une demande sociale persistait, « inquiétude exacerbée sinon créée par des informations farfelues et volontiers biaisées  », il convenait d’apporter une réponse de nature à rassurer et non relancer des travaux de recherche qui seraient d’autant plus improductifs que leur lancement même « validerait quasi systématiquement, dans l’esprit du public, de certains médias et d’associations plus ou moins bien intentionnées, l’idée que l’hypothèse scientifique est plausible (puisqu’un travail de recherche est réalisé) … il n’y a pas de fumée sans feu ! ».

A son tour l’Agence française de sécurité sanitaire et environnementale (AFSSE) concluait en 2003 que l’analyse globale des données scientifiques actuelles sur l’exposition aux ondes des stations relais ne révélait aucun risque pour la santé lié aux stations de base de la téléphonie mobile. Dans cette perspective, les recommandations relevaient, disait-elle, du principe d’attention.

Les conclusions de 2003 de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale n’ont pas vieilli. Elles concluaient à l’application du principe d’attention en matière d’antennes relais de téléphonie mobile. Elles concluaient au principe de précaution en matière de téléphonie mobile elle-même et rappelaient à cette occasion qu’existe un risque avéré en matière de téléphonie mobile et que ce risque est l’usage du téléphone mobile au volant, que le conducteur ait recours ou non à un kit mains libres.

4 Ondes électromagnétiques : comment s’y retrouver dans l’information, Anne Perrin, vice-présidente de la section Rayonnements non ionisants de la société française de radioprotection et vice-présidente de la commission Bioélectromagnétisme et médecine de l’union radio scientifique internationale (URSI-France), dans Ondes électromagnétiques : mythes, peurs et réalités : N° 285 Avril-Mai 2009 de la revue Science et pseudo-sciences publiée par l’Association Française pour l’Information Scientifique (en vente chez les marchands de journaux) et sur le site de l’association.


Thème : AFIS

Mots-clés : Ondes


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