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Les OGM, l’environnement et la santé

Publié en ligne le 2 octobre 2007
Les OGM, l’environnement et la santé

Marcel Kuntz
L’esprit des Sciences, Ellipse, 7,50 €, 128 pages

Dans l’univers des publications se consacrant aux biotechnologies, l’ouvrage de Marcel Kuntz occupe une place originale. Biologiste, directeur de recherches au CNRS, utilisant la transgénèse dans le cadre de ses travaux de biologie végétale au sein du laboratoire « Plastes et différenciation cellulaire » de l’Université Joseph Fourrier de Grenoble, Marcel Kuntz a choisi de mettre son expertise au service de la traduction, dans un langage accessible au public, de l’état des savoirs et des interrogations tel qu’il transparaît de plus de 1500 publications scientifiques publiées sur ce sujet, objet de tant de controverses.

Dans un court premier chapitre l’auteur pose le décor en passant du gène à l’organisme génétiquement modifié, en dressant un état des lieux macroscopique de la culture de plantes génétiquement modifiées dans le monde, puis en concluant de façon très pédagogique sur le concept de risque : « Le risque est toujours défini selon l’équation suivante : Risque = Danger x Exposition au danger. Le danger étant un évènement théorique, aux conséquences supposées négatives ; l’exposition étant la probabilité que cet événement se produise. » (p. 24).

La réversibilité

En cas de choix de cultiver une variété OGM sera-t-il possible de revenir en arrière, c’est-à-dire à des cultures non-OGM pour la même espèce ? En termes catastrophistes : lorsqu’un gène est « lâché dans la nature », devient-il « impossible de le rattraper » ? Ici aussi, le colza fournit l’exemple le plus défavorable mais qui a fait l’objet d’un précédent (non-transgénique) pour nous éclairer. À partir de 1973 en France, les variétés utilisées jusque là, qui contenaient des teneurs élevées en acide érucique (un acide gras soupçonné de provoquer des maladies cardio-vasculaires), furent remplacées par des variétés nouvelles à faible teneur en cet acide (variétés dites 0). Le retour à une norme de 2 % de présence fortuite des variétés « éruciques » fut réalisé en 3 ans. La même opération fut réalisée une dizaine d’années plus tard pour de nouvelles variétés (dites 00) à teneur réduite en acide érucique et en glucosinolates. Ces derniers sont des substances goitrigènes qui limitaient les possibilités de consommation du tourteau de colza. « Rattraper » un gène est donc possible, même chez le colza, mais un cultivateur qui voudrait repasser en colza conventionnel après culture de variétés transgéniques devra activement éliminer la présence de transgènes (dans les graines du sol notamment) pendant plusieurs années.

Marcel Kuntz, Les OGM, l’environnement et la santé, page 78

Le second chapitre est consacré aux questions environnementales et occupe la partie centrale de l’ouvrage. Évitant autant que faire se peut le recours aux sigles barbares, Marcel Kuntz écrit dans une langue simple mais non simpliste. C’est ainsi, par exemple, qu’il nous explique tout sur le bacille de Thuringe (Bacillus thuringienus) dont l’espèce présente l’avantage de produire des protéines qui endommagent de façon mortelle le système digestif des insectes. En sélectionnant les protéines adéquates (des toxines donc), il est possible de cibler les insectes visés (par exemple la chenille du papillon pyrale, insecte nuisible du maïs) et soit de la disperser en épandage sur les cultures (comme il est réalisé en agriculture biologique) soit de transférer le gène codant la protéine en question dans la plante pour qu’elle se défende toute seule sans nécessité d’épandage de produit chimique (même « naturel »). Cette dernière voie est celle mise en œuvre par le maïs dit, on aura compris pourquoi, « maïs Bt ». Ainsi donc vous découvrirez les plantes qui assurent leur autodéfense contre les insectes nuisibles, tout comme celles tolérant les herbicides ou celles encore améliorées pour résister à un virus qui les frappe. Vous deviendrez pareillement imbattables sur les risques de dispersion, la coexistence entre cultures biotechnologiques et conventionnelles, ou les conditions de la réversibilité entre cultures.

La séparabilité des filières

Les présences fortuites devront être limitées dans les semences tout d’abord, et dans les récoltes ensuite. Pour le maïs, limiter les présences fortuites apparaît plus aisé du fait d’une pollinisation croisée limitée en distance et parce qu’il est cultivé, dans les pays développés, à partir de semences hybrides (élaborées séparément, suivant des normes de qualité) rachetées chaque année par le cultivateur.

Le cas de l’agriculture biologique semble plus délicat puisque celle-ci a fait le choix d’une tolérance zéro (ou du moins sous le seuil de détection qui avoisine généralement 0,1 %). En prenant le cas le plus problématique, celui du colza, il n’est évidemment pas possible de tenir un engagement de niveau zéro de présence fortuite d’OGM, dans les zones, au Canada par exemple, où le choix des agriculteurs a été largement en faveur des colzas tolérant un herbicide. Les pistes à examiner dans ce cas pourraient être : soit accepter un seuil de tolérance, soit s’isoler géographiquement de manière réelle (grâce à des accords locaux entre agriculteurs) et organiser des filières étanches dès la production des semences. Notons que parmi les superficies dévolues à l’agriculture, la betterave, le colza et le maïs représentent moins de 3 % (et quelquefois moins de 0,3 %) dans les principaux pays européens. Elles sont en revanche dispersées, ce qui implique une multiplicité d’accords locaux.

Il convient de mentionner qu’il n’y a pas de cas démontré de « contamination » en provenance d’essais au champ dans les conditions restrictives imposées en Europe. Aux États-Unis sur les quelques 47 000 essais réalisés, seuls quelques incidents (non-respect des distances d’isolement, non-élimination des repousses) ont été signalés, et sanctionnés.

Marcel Kuntz, Les OGM, l’environnement et la santé, page 77



Le troisième et dernier chapitre évoque quant à lui les conséquences des OGM sur la santé en termes de bénéfices (quels bénéfices pour la santé ?) et de risques (pesticides et santé, allergies, gènes de résistance, etc.). Sans surprise, pour ceux qui lisent notre revue, on y découvre qu’il n’y a pas à ce jour de données scientifiques crédibles qui confortent les rumeurs propagées de risques pour la santé des OGM cultivés et commercialisés, Marcel Kuntz rappelant tout au long de son ouvrage qu’on ne peut parler des OGM qu’au cas par cas et non de façon globale. La conclusion de ce chapitre, en abordant la question souvent soulevée des effets à long terme, est laissée au rapport de la FAO/OMS : « on sait très peu de choses sur les effets à long terme… de n’importe quel aliment ».

En résumé, ce livre est remarquable à plusieurs points de vue. Certes la matière traitée est aride et vous ne devez pas vous attendre à un roman de l’été, mais le sujet est parfaitement traduit en un langage permettant à tout lecteur cultivé de s’approprier des faits et rien que des faits, non prédigérés ni mis au format souhaité par des propagandistes. N’attendez pas de cet ouvrage qu’il vous dise « ce qu’il faut penser des OGM ». Comme l’écrit Marcel Kuntz, et c’est tout à son honneur, « chacun pensera ce qu’il voudra, en fonction de ses présupposés, de sa vision du monde… » (p. 124). Vous ne saurez pas quelle est la vision du monde de l’auteur, même si, au détour d’une page ou d’une autre, vous croirez déceler le désenchantement désabusé du scientifique, comme quand il évoque le chercheur de l’INRA Marc Fuchs qui s’est résigné au départ pour les États-Unis après les controverses ourdies par des groupes anti-OGM sur les porte-greffes expérimentaux résistant au virus du court-noué de la vigne, et l’indécision politique malgré l’avis favorable de la commission du génie biomoléculaire (p. 88 sq).


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