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Jacques-Alain Miller, Frédéric Skinner et la liberté

Publié en ligne le 18 mai 2007 - Psychanalyse -
Article paru dans Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, Paris, Elsevier Masson, 2007, 16(1), p. 1-5 et reproduit ici avec les autorisations de l’auteur et de l’éditeur.
« Pour mesurer la finesse ou la débilité constitutionnelle des esprits les plus judicieux, il suffit de prendre garde à leur façon de comprendre et de reproduire les opinions de leurs adversaires : là se trahit l’envergure naturelle de chaque esprit. »
Friedrich Nietzsche (1881, § 431)
« Ce qu’un homme stupide rapporte de ce qu’a dit un homme intelligent n’est jamais fidèle, parce qu’il traduit inconsciemment ce qu’il a entendu en une chose qu’il est capable de comprendre. »
Bertrand Russell (1945/2005, p. 90)

L’art de citer

Quand vous citez une phrase comme « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose !... », la source et la littéralité de votre citation importent peu. Il n’est guère important que vous l’attribuiez à Francis Bacon 1 ou que vous écriviez : « Phrase par laquelle se résume la fameuse tirade de Basile dans Le Barbier de Séville » 2. Par contre, si vous utilisez une citation pour attenter à la réputation d’un homme, vous devez en vérifier l’exactitude, préciser son contexte et surtout ne pas manipuler sa signification. Si vous mettez des guillemets à votre citation, vous faites savoir qu’elle est littérale, que vous n’avez pas modifié un seul mot. Si vous écrivez pour une publication de niveau universitaire, vous êtes tenu, en outre, de fournir l’endroit précis où vous avez trouvé ce que vous citez (à telle page de tel livre, publié telle année) de sorte que le lecteur puisse facilement retrouver le passage, voir le contexte et juger de la pertinence du « découpage ». On peut regretter que, dans les publications destinées au grand public, cette dernière règle ne soit quasi jamais appliquée.

… et de calomnier

Jacques-Alain Miller, directeur du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, donne l’exemple par excellence de l’utilisation d’une pseudo-citation pour discréditer un homme et, à travers lui, tout un courant de pensée. Pour trouver cet exemple, il suffit de taper dans Google : Jacques-Alain Miller Skinner freedom. Vous tombez alors sur plusieurs textes signés par Miller, dans lesquels celui-ci utilise une même citation de Skinner. Ainsi, dans son article : « Le marché du mental. Autodialogue imaginaire sur la vraie question des thérapies comportementales », paru le 28.9.05 dans Libération, vous pouvez lire :

« Le comportementalisme, c’est d’abord Watson : ne nous occupons pas des pensées que les gens ont dans la tête, mais de la façon dont ils se comportent. Des faits, non des suppositions. Des observations, non des conjectures. C’est ensuite Pavlov, et son fameux “conditionnement” du chien : celui-ci bave devant la nourriture ; on associe une sonnerie à la présentation de sa pitance ; troisième temps, il suffira désormais de la sonnerie pour qu’il bave. Le troisième génie, Skinner, dresse rats et pigeons dans les années 30 : il les dresse en les récompensant quand leur comportement est celui que l’on attend d’eux. De là, il passe au dressage humain. Walden Two est l’utopie d’une communauté comportementaliste, gérée par des managers, eux-mêmes aux ordres d’invisibles planners, planificateurs tirant les ficelles de leurs marionnettes pour leur plus grand bien, et dès le plus jeune âge. “We can’t afford freedom”, disait Skinner, “nous ne pouvons nous payer le luxe d’être libres.” »

Sur un autre site, on trouve une précision quant à la source de cette citation. Miller a déclaré, dans l’émission « Les matins de France Culture » du 17 mai 2005, retranscrite dans Le Forum des psys :

« Dans les années 50, on portait beaucoup d’espoir dans ce comportementalisme et ça a disparu. Ça a été éliminé de beaucoup d’universités, de partout parce qu’on a considéré que c’était des atteintes aux Droits de l’Homme [sic !], que on ne pouvait pas essayer de guérir les êtres humains selon les méthodes appliquées aux rats de laboratoire. Et c’est pourtant ce que pensait Skinner qui est un savant. Mais j’ai devant moi par exemple la couverture de “Time Magazine” de septembre 1971. Je me souvenais de l’avoir lu. J’ai demandé à un ami américain de me le retrouver. Il me l’a envoyé. Je l’ai déchargé de l’ordinateur juste avant de venir. Et alors c’est une couverture qu’on peut d’ailleurs se procurer dans un cadre. Je vais en faire venir. B. F. Skinner says : “We Can’t Afford Freedom”. “Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’être libre.” »

En réalité, ce n’est pas Skinner qui a écrit cette phrase, c’est un journaliste. Lui-même et sa fille Julie (voir par exemple Vargas, 2004, p. 139) l’ont dit et redit. Cette phrase se trouve, avec une caricature de Skinner, sur la couverture du numéro du 20 septembre 1971 du magazine Time, dont par bonheur je possède un exemplaire. Ce numéro contenait un dossier sur l’œuvre de Skinner à l’occasion de la sortie de son livre Beyond freedom and dignity (1971). L’article comptait sept pages et était intitulé : « Skinner’s Utopia : Panacea, or Path to Hell ? ». Sur la couverture du Time, la phrase sur la liberté se trouve sans guillemets, contrairement à ce que serait une véritable citation. N’empêche, dans la bouche et sous la plume de Miller, grand lettré et fin manipulateur, c’est une « citation » et c’est même la citation qui résume toute la pensée, non seulement de Skinner mais de toutes les thérapies cognitivo-comportementales depuis leur apparition jusqu’aujourd’hui. Miller sait probablement que Skinner n’a pas écrit cette phrase, que ce n’est qu’une formule journalistique destinée à accrocher le lecteur, mais qu’importe, l’essentiel est de faire croire aux Français qui n’ont pas lu l’œuvre de Skinner dans le texte, c’est-à-dire quasi tous les Français, que la phrase a été écrite par Skinner et qu’elle résume la conception « comportementale » de l’Homme.

Si Miller avait trouvé l’article du New York Time Magazine sur Skinner, paru trois ans plus tôt (en 1968), il aurait pu ajouter quelques autres « citations » tout aussi malveillantes. Voici ce qu’écrivait Skinner au sujet de cet article et des « citations » qui s’y trouvent : « Un journaliste appelé Rice est venu me voir. Il disait que le NYTM lui avait demandé de faire un article sur le behaviorisme. Il ne savait rien du sujet, mais c’était précisément ce que voulait le magazine […] Le texte fut un choc. Rice n’avait pas été un élève doué. […] Des citations avaient été fabriquées. J’étais censé avoir dit que l’école de ma fille “ruinait les esprits” (“ruining minds”). Bien pire : j’étais présenté comme un vaniteux imbécile (“conceited ass”). Il a intitulé son article “Skinner estime qu’il est l’homme le plus important de la psychologie.” (Il m’avait demandé si le behaviorisme était encore à la pointe dans différents secteurs de la psychologie et j’avais répondu en lui montrant un classement par ordre d’importance des psychologues contemporains, réalisé par 89 présidents de départements ; j’y occupais la première place et Neal Miller la troisième)  3. Il écrivait que je me considérais moi-même “comme un événement dans l’histoire de l’humanité.” (Il avait assisté à mon séminaire sur le comportement verbal le jour où je parlais de l’individualité et où j’avais développé l’idée que chacun est un événement unique dans l’histoire des espèces. » (1983, p. 298, souligné par Skinner).

Revenons à l’article du Time. Après avoir mentionné que « Skinner est le plus important des psychologues américains en vie » (p. 47), l’auteur de l’article (non signé) rendait pas mal compte des réponses de Skinner à deux problèmes concernant la liberté.

Le problème du déterminisme

Skinner veut faire de la psychologie scientifique. Il est donc déterministe. Il part du principe que tout phénomène procède d’une ou de plusieurs causes et que le travail du scientifique est d’établir les conditions d’apparition ou de disparition de phénomènes. En cela, il est pleinement en accord avec Freud : « La grande contribution de Freud à la pensée occidentale, écrit Skinner, a été d’appliquer le principe de cause à effet au comportement humain. Freud a démontré que beaucoup de caractéristiques du comportement inexpliquées jusqu’à présent — souvent délaissées comme désespérément compliquées ou obscures — peuvent se comprendre comme le produit de circonstances de l’histoire de l’individu. » (1954, p. 185).

Rappelons toutefois que, pour Freud, l’homme est radicalement aliéné, qu’il est le jouet de forces dont il ignore quasi tout. Freud pense que cette conception est une des principales sources de résistance à sa doctrine : « Deux obstacles s’opposent à la reconnaissance des cheminements de pensée psychanalytiques : premièrement, ne pas avoir l’habitude de compter avec le déterminisme, rigoureux et valable sans exception, de la vie animique, et deuxièmement, ne pas connaître les particularités par lesquelles les processus animiques inconscients se différencient des processus conscients qui nous sont familiers. » (1910, trad., p. 52) La position des psychanalystes d’aujourd’hui n’a guère changé sur ce point. Mme Roudinesco a beau écrire, de façon sibylline : « Le sujet freudien est un sujet libre, doué de raison, mais dont la raison vacille à l’intérieur d’elle-même. [...] Freud a fait de la sexualité et de l’inconscient le fondement de l’expérience subjective de la liberté » (1999, p. 82 et 88), elle affirme de façon catégorique, quelques pages plus loin : « La famille est — nous le savons grâce à la psychanalyse — à l’origine de toutes les formes de pathologies psychiques : psychoses, perversions, névroses, etc. » (id., p. 167, je souligne).

Faut-il rappeler que, pour le comportementaliste, les diverses formes de pathologies psychiques ont des origines variées ? Les contingences familiales sont certes importantes, mais bien d’autres entrent en ligne de compte : la programmation génétique, l’hérédité, la situation socio-économique, une large diversité de rencontres et d’interactions passées, l’environnement physique et relationnel de la situation présente, le fonctionnement physiologique…

La conception freudienne du déterminisme aboutit au pessimisme en matière de thérapie et de développement personnel. Seuls les rares privilégiés, qui peuvent se payer une longue « cure de parole », deviendraient clairvoyants quant aux mécanismes de l’Inconscient et pourraient se libérer de certains automatismes aliénants. Pour Skinner, tout déterministe qu’il soit, chaque être humain peut apprendre à mieux gérer ses propres conduites, de manière à réaliser une partie des objectifs qu’il s’est choisi : « Dans une large mesure, la personne semble maîtresse de son destin. Elle est souvent capable de modifier les variables qui l’affectent. Un certain degré d’autodétermination de leurs conduites est d’ordinaire reconnu à l’artiste et au scientifique, à l’écrivain et à l’ascète. Les exemples beaucoup plus modestes d’autodétermination sont plus familiers. La personne choisit entre diverses possibilités d’action, réfléchit à un problème abstrait et maintient sa santé et sa position dans la société par la pratique du self-control. » (1953, p. 228, tr., p. 214, souligné par Skinner). L’habileté à se gérer se développe d’autant mieux que la psychologie scientifique progresse et permet de mieux comprendre des lois du comportement : « À mesure qu’une science du comportement dégage mieux les variables dont le comportement est une fonction, ces possibilités [d’autocontrôle] devraient être grandement accrues. » (id., p. 241, tr. p. 244).

Le problème du contrôle social

Pour comprendre pourquoi le journaliste du Time a voulu « accrocher » les lecteurs par la phrase « We can’t afford freedom » (nous ne pouvons nous permettre la liberté), il suffit de lire la première page de l’ouvrage dont il est question dans son article : Beyond Freedom and Dignity. Skinner commence par dire que le monde d’aujourd’hui nous confronte à des « problèmes terrifiants » : « la famine mondiale », « les ghettos urbains », « les problèmes démographiques », « la guerre devenue plus horrible que jamais depuis l’invention des armes nucléaires ». Dans le paragraphe suivant, il explique que l’application des sciences physiques, biologiques et médicales ne suffit pas à résoudre tous ces problèmes. Il développe ensuite l’idée que nous aurions intérêt à mieux utiliser les connaissances de la psychologie scientifique pour réduire les comportements d’agression, d’exploitation, de surconsommation, de gaspillage, de pollution … et pour développer des comportements altruistes, des loisirs de qualité, la recherche scientifique. Affirmer que la dignité de l’homme réside essentiellement dans la liberté souveraine de chaque individu de satisfaire sans réserve tous ses désirs égoïstes, c’est faire fi de la souffrance de ceux qui sont moins nantis en pouvoir et en richesse, c’est accepter de voguer tout droit vers des désastres collectifs. Par ailleurs, en faisant croire aux citoyens qu’ils sont des êtres parfaitement libres, on leur fait endosser la responsabilité de tous leurs malheurs, on disculpe l’organisation sociale et les politiciens au pouvoir.

Cinq ans plus tard, en 1976, dans la post-face de Walden Two, Skinner réaffirme cette préoccupation en mettant le doigt sur la responsabilité de son propre pays : « Il n’est pas possible à quelques nations hautement industrialisées d’affronter encore longtemps le reste du monde en continuant à consommer et à polluer l’environnement comme elles le font. Un genre de vie où chacun n’utilise qu’une petite partie des ressources mondiales et mène pourtant une vie heureuse constituerait la meilleure garantie pour la paix dans le monde. C’est un modèle qui pourrait être facilement copié. J’ai récemment été encouragé lorsque quelqu’un du ministère des Affaires étrangères m’a appelé pour me dire que les États-Unis devraient arrêter d’exporter “la vie à l’américaine” et exporter des Walden Deux à la place. […] Il est maintenant largement reconnu que de grands changements doivent être réalisés dans le mode de vie des États-Unis. Non seulement nous ne pouvons pas braver le reste du monde en consommant et polluant comme nous le faisons, mais nous ne pourrons pas longtemps nous regarder en face tant que nous n’aurons pas reconnu la violence et le chaos où nous vivons. Le choix est clair : soit nous ne faisons rien et acceptons un futur misérable et probablement catastrophique, soit nous utilisons nos connaissances du comportement humain pour créer un environnement social où nous pourrions mener une vie productive et créative. Et ceci sans diminuer les chances que ceux qui nous suivent puissent faire de même. » (1976, tr., 2005, p. 318s). Dommage que le président Bush ne partage pas la conception skinnerienne d’une liberté à limiter par respect pour les autres nations et par souci pour les générations à venir.

Skinner part du principe que le comportement est toujours contrôlé par une série de facteurs, dont seulement quelques-uns sont facilement compris : « Nous ne pouvons choisir un mode de vie où il n’y aurait plus aucun contrôle. La seule chose que nous puissions faire c’est changer les conditions. » (1974, p. 209). La tâche des scientifiques est d’améliorer la visibilité de processus de contrôle subtils, cachés ou inconscients, qu’ils soient de nature psychologique, sociologique, économique, biologique ou physique. La tâche des responsables politiques et des citoyens est de discuter de la manière d’agencer au mieux la société, d’expérimenter, de planifier, de tirer des leçons et de réorganiser. Durant tout ce processus, dit Skinner, il est essentiel de mettre en place des formes de « contre-contrôle » : « Le grand problème est d’arriver à garantir un contre-contrôle efficace, c’est-à-dire à faire peser certaines conséquences importantes sur le comportement du détenteur du contrôle. » (1971, tr., p. 208). La politique américaine en Irak serait sans doute différente si le président Bush ou un de ses enfants risquaient leur vie sur le terrain des combats…

Il n’est pas inutile de s’arrêter au problème posé par l’usage du mot « contrôle ». Ce mot désigne une coordination harmonieuse d’activités (comme lorsqu’on parle de la « tour de contrôle » d’un aéroport) ou une régulation de processus biologiques ou psychosociaux (comme lorsqu’on évoque le « contrôle des naissances »). Il peut prendre, comme c’est généralement le cas dans la psychologie scientifique, le sens neutre d’« influence », de « facteur déterminant » ou de « variable agissante ». Dans le langage courant, il évoque souvent des formes de contrôle répressif (vérification tatillonne, restriction, manipulation), raison pour laquelle beaucoup de comportementalistes évitent de l’employer. Skinner, lui, a maintenu son usage. Il écrit, dans son autobiographie : « Je savais que le mot “contrôler” est problématique. Pourquoi ne pas l’adoucir en utilisant “affecter” ou “influencer” ? Mais j’étais un déterministe et “contrôler” signifie “contrôler”, et aucun autre mot n’était aussi adéquat. Bien évidemment, je ne voulais pas du tout entendre par là le contrôle punitif ou aversif. Au contraire, je pense avoir démontré l’existence d’alternatives efficaces à ces formes répréhensibles de contrôle. » (1979, p. 345)

Faut-il rappeler que Skinner, plus que quiconque, mettait en garde contre les mesures punitives et répressives ? C’est un fil rouge à travers toute son œuvre, que l’article du Time présente en ces termes : « Nous croyons que l’homme est un être autonome. Skinner insiste sur le fait que l’autonomie est un mythe et que la croyance en un “homme intérieur” est une superstition qui trouve son origine, comme la croyance en Dieu, dans le manque de compréhension du monde humain […] Le fait est, souligne Skinner, que les actions sont déterminées par l’environnement : le comportement est “façonné et maintenu par ses conséquences”. […] En résumé, ce sont des punitions ou des récompenses qui déterminent si un type de comportement devient habituel. Mais Skinner pense que les punitions sont souvent un moyen inefficace de contrôler. “Une personne qui a été punie”, écrit-il dans son nouveau livre, “n’est pas moins tentée de se conduire d’une certaine façon ; dans les meilleurs cas, elle apprend comment éviter la punition.” » (p. 48).

Skinner est-il le chantre du « dressage humain », le cynique « planificateur » qui suggère aux hommes politiques de « tirer les ficelles de leurs marionnettes pour leur plus grand bien », « selon les méthodes appliquées aux rats de laboratoire » ? Pour Miller, une pseudo-citation suffit à l’affirmer. Pour le lecteur de Skinner dénué de préjugés, c’est de la pure calomnie. Miller a-t-il lu l’article du Time ou les œuvres de Skinner ? Si oui, devons-vous en conclure, selon l’expression de Nietzsche, à une « débilité constitutionnelle » ? Je crois plutôt à la mauvaise foi qui caractérise ceux qui cherchent à protéger le business lacanien.

Une dernière remarque. On peut reconnaître l’apport des observations scientifiques de Skinner sans adopter le moins du monde les idées de son roman utopique de 1948 ou de son essai politico-social de 1971. Par ailleurs, à supposer que Skinner soit un personnage peu fréquentable — ce qui n’est nullement mon avis —, cela ne change rien à la valeur du comportementalisme. Pour les psychanalystes, la réputation de l’homme Freud est un argument fondamental pour assurer la validité des observations et de la doctrine du Père-fondateur. Exemplaire à cet égard est la façon dont les freudiens, É. Roudinesco en tête, ont tout fait pour réfuter ce qui était devenu un secret de polichinelle : la double vie de Sigmund (Gauthier, 2007). Pour les comportementalistes, Skinner n’est qu’un chercheur parmi d’autres, dont la lecture demeure fort intéressante, mais pas plus nécessaire à leur formation que celle de Eysenck, Goldiamond, Marks, Meyer, Wolpe, Yates et tant d’autres qui ont contribué, en différents endroits de la planète, à développer des méthodes validées de résolution des difficultés psychologiques.

Références

1 | Freud, S. (1910) Ueber Psychoanalyse. Gesammelte Werke, VIII, p. 3-60. Trad., De la psychanalyse. Œuvres complètes, Paris : PUF, 1993, X, p. 36.
2 | Gauthier, U. (2007) La double vie de Sigmund. Le Nouvel Observateur, n° 2201, p. 67.
3 | Nietzsche, F. (1881) Aurore. Trad. in Œuvres philosophiques complètes. Paris : Gallimard, T. IV, 1970.
4 | Roudinesco, E. (1999) Pourquoi la psychanalyse ? Paris : Fayard.
5 | Russell, B. (1945) History of Western Philosophy. London : Routledge. Rééd. : 2005.
6 | Skinner, BF. (1948) Walden Two. N.Y. : Macmillan. Rééd. : 1969. Trad., Walden 2. Communauté expérimentale. Paris : In Press, 2005.
7 | Skinner, BF. (1953) Science and human behavior. The Macmillan Company. Paper ed. : Free Press, 1965. Trad., Science et comportement humain. Paris : In Press.
8 | Skinner, BF. (1954) A critique of psychoanalytic concepts and theories. Scientific Monthly, 79 : 300-305. Reprinted in Cumulative Record. N.Y. : Appleton-Century-Crofs, 1961, p. 185-94.
9 | Skinner, BF. (1971) Beyond freedom and dignity. N. Y. : Knopf. Trad. par A.M. & M. Richelle : Par-delà la liberté et la dignité. Paris : Laffont, 1972.
10 | Skinner, BF. (1974) About behaviorism. N. Y. : Knopf. Reprinted : Vintage Books Ed., 1976, 291 p. Reprinted with a new preface and epilogue in Penguin (Peregrine) Books, 1988.
11 | Skinner, BF. (1976) Walden Two. Hackett Pub Co, réédition. Trad., Walden 2. Communauté expérimentale. Paris : In Press, 2005.
12 | Skinner, BF. (1979) The shaping of a behaviorist. Part Two of an Autobiography. N.Y. : Alfred Knopf.
13 | Skinner, BF. (1983) A Matter of Consequences. Part Three of an Autobiography. N.Y. : Alfred Knopf.
14 | Time (1971) Skinner’s Utopia : Panacea, or Path to Hell ? September 20, p. 47-54.
15 | Vargas, JS. (2004) A daughter’s retrospective of B.F. Skinner. The Spanish Journal of Psychology, 7 : 135-140.

2 Nouveau Larousse universel. Paris. Larousse, 1948, tome 1, p. 272.

3 En 2002, Steven Haggbloom et une équipe de dix chercheurs de l’université de l’Etat de l’Arkansas ont établi une liste des 100 psychologues les plus éminents du XXe siècle, sur la base des citations de leur nom dans les principaux manuels et les revues les plus prestigieuses de la psychologie. (The 100 most eminent psychologists of the 20th century. Review of General Psychology, 2000, 6 : 139-152). Skinner est resté en première place ( !), suivi, dans l’ordre, par Piaget, Freud et Bandura. Jung figure au 23e rang et Adler au 67e. Le nom de Lacan, évidemment, n’y apparaît pas.