Accueil / Bientôt un permis à « point astral » ?

Bientôt un permis à « point astral » ?

Publié en ligne le 30 juin 2004 - Astrologie -

Élizabeth Teissier l’aurait rêvé, Yves Lemontey, pour la société Euralpha, l’a fait ! Courtier cautionné par une société d’assurances de niches, l’Équité, il lance un nouveau produit dont la tarification varie selon le signe astrologique. Monsieur Lemontey opérait déjà avec l’armée de l’air et la gendarmerie, il s’attaque dorénavant au grand public, cible plus large et surtout plus mouvante dans ses états d’âme, et plus sensible aux phénomènes de mode.

Extrait de l’Argus de l’assurance, 24 mai 2002

Une petite voiture toute ronde, naïve sans doute, fait le tour de la Terre sur une ligne joliment courbe et douce, et laisse une trace derrière elle vous annonçant qu’elle roule pour Astro-automobile. Dans la foulée le O de Astro s’enroule avec grâce dans un anneau saturnien. Vous n’y voyez que du bleu ! Que de candeur, de joliesse !

C’est le petit logo, rassurant à souhait, qu’arbore le contrat de l’Astro-automobile de M. Lermontey. Un logo qui en dit long sur la manière d’appréhender le grand public... L’infantilisme va diriger la campagne, à n’en pas douter. Mais, après tout, ne vit-on pas à une époque de culte de la jeunesse et de la fraîcheur de l’enfance ? Cet aspect ne lui aura pas échappé.

Autre aspect qui ne lui a pas échappé : le créneau astrologique. L’astrologie infantilise la population. L’enfance est le domaine privilégié du rêve, du symbolique, période idéalisée d’insouciance, donc ne craignez rein. Astro-automobile veille sur vous en liaison avec les astres.

Donc, l’innovation marketing devenant le maître-mot de toute entreprise, même celle concernant notre sécurité, monsieur Lemontey s’offre l’audace de proposer des réductions tarifaires aux natifs des signes les plus prudents : Lion, Cancer, et une majoration pour les natifs jugés imprudents comme les Gémeaux. Il prétend s’appuyer sur l’étude qu’il aurait mené sur son portefeuille de 60 000 dossiers, qui montrerait une différence de 18 % en nombre de sinistres entre les signes les plus favorables et ceux des plus mauvais conducteurs.
On ne peut que s’interroger sur la réalité même de cette étude, qui, si elle était avérée, serait une révolution, car jusqu’alors, aucune étude n’avait jamais prouvé l’influence des astres sur l’homme.
Nous avons joué le jeu du particulier désireux de souscrire un contrat de ce type auprès d’Euralpha. Une demande de devis a été faite par téléphone par un membre de notre comité d’administration. Interrogatoire normal pour l’établissement du devis. Aucune allusion à un signe astrologique quelconque, aucune modulation tarifaire proposée. En fin d’entretien, il faudra même insister sur la spécificité « astro » d’Euralpha pour que la secrétaire s’en souvienne et ose un : « Vous êtes de quel signe ? », comme une leçon bien apprise.

Parce que, à Euralpha, une secrétaire n’a pas en main, et connaît encore moins de tête, les correspondances dates de naissance-signes astrologiques !

Et quand on lui répond « Taureau ! c’est bien ? », elle nous gratifie d’un « Oui, pas trop mal ! » Je la plains, cette secrétaire, à qui on demande de ressortir des élucubrations nées dans la tête de son supérieur hiérarchique ! Existe-t-il même une grille tarifaire ? On se le demande... L’astrologie à Euralpha, ce n’est vraiment qu’un jeu !

C’est d’ailleurs ce que revendiquent haut et fort, et le courtier créateur du produit, et le directeur de l’Équité, qui assure le courtier, donc le cautionne 1. Un entretien téléphonique avec chacun d’eux a révélé le leit-motiv de cette affaire : le jeu, le courant de mode à exploiter. Courtier comme directeur avouent sans ambages la futilité du critère astrologique. Il s’agit seulement d’amuser le public pour l’attirer et, pour l’assureur, de se démarquer de ses confrères, concurrence oblige.

Les faits sont donc graves à notre sens : la superstition, la magie, la futilité sont en voie de gérer notre sécurité. Sans compter la caution intellectuelle solide apportée par là à l’astrologie. Car si les assurances n’ont pas toujours bonne presse dans le public, elles sont tout de même sensées tenir compte d’une réalité tangible. Or Euralpha, comme l’Equité, nous démontre combien une assurance se décrédibilise en devenant dépendante d’une pseudo-science.

Nous attendons que le courtier nous délivre ses fameuses statistiques. Jusqu’à présent il nous les a refusées catégoriquement. Cette absence de transparence est mauvais signe. Le directeur de l’Équité, après maintes réticences, a promis d’intercéder en notre faveur.
Une étude objective de ces statistiques risquerait de mettre en lumière l’inanité du phénomène astrologique.. Affaire à suivre...

Mépris des assurés, mépris des adeptes de l’astrologie

De façon évidente, ce type de contrat méprise les assurés. On les prend visiblement pour des « clients » que l’on cherche à séduire avec des produits marketing plutôt que de s’attacher réellement à offrir la meilleure couverture d’un risque, objet de la souscription d’un contrat d’assurance.
Mais en y regardant de plus près, l’initiative d’Euralpha et de l’Equité méprisent également les adeptes de l’astrologie qu’elle prétend séduire. Car, visiblement, l’un comme l’autre présentent leur « produit » comme un simple habillage marketing, sans réalité statistique sous-jacente vraiment probante. Or, les adeptes de l’astrologie sont en général convaincus de l’existence d’une influence astrale. Notre association donne des arguments de raison pour combattre cette croyance, mais elle ne l’exploite pas. A l’inverse, L’Equité et Euralpha semblent ne pas croire non plus à cette influence astrale, mais se disent qu’il y a un « bon coup financier » à faire dans une telle opération marketing.
Les assurés, pro-astrologie ou non, apprécieront...

J.-P. K

1 En fait, M. Lemontey a obtenu la caution de 3 assureurs, L’Equité, la Comtoise, et Mondial Assistance, qui le réassurent. Néamoins, il reste juridiquement le seul responsable vis-à-vis de l’assuré.


Publié dans le n° 253 de la revue

Publié dans le n° 287 - Hors-série de la revue


Partager cet article


L' auteur

Agnès Lenoire

Agnès Lenoire est enseignante. Elle a été membre du comité de rédaction de Science et pseudo-sciences. Elle (...)

Plus d'informations