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Reproduction par clonage chez les fourmis

Publié en ligne le 1er juillet 2005 - Information scientifique -
Denis Fournier et son équipe de l’Université libre de Bruxelles, étudiant les petites fourmis rouges Wasmannia auropunctata en Guyane française ont mis en lumière un système génétique encore jamais rencontré jusqu’ici : les mâles y sont les clones des mâles alors que les reines y sont les clones des reines.

Le plus souvent chez les fourmis (comme chez la plupart des abeilles ou des guêpes) la reproduction sexuée conduit à fabriquer à la fois des femelles reines (fertiles) ou ouvrières (stériles). Les mâles, quant à eux, résultent des œufs non fertilisés : ils véhiculent donc un matériel génétique plus faible que les femelles.

Dans le cadre d’une étude visant à rechercher, en examinant des colonies de fourmis, l’impact éventuel, par les mécanismes de la sélection naturelle, des modifications engendrées par l’activité humaine de l’habitat forestier de ces espèces, l’équipe de Denis Fournier se retrouvait logiquement à analyser le génome des petites fourmis rouges Wasmannia auropunctata dans le département français de la Guyane.

C’est donc par chance que ce système génétique sortant de l’ordinaire à été mis en lumière.

Les reines de ces petites fourmis rouges pondent deux types d’œufs : les premiers contiennent le matériel génétique complet de la reine et développeront, sans fertilisation, de futures reines qui seront des clones de la reine et assureront la descendance de sa lignée femelle royale ; les seconds ne contiennent qu’un jeu de chromosomes et nécessitent le sperme du mâle pour être fertilisés.

Issues de ce second groupe, les femelles ouvrières, stériles, comportent bien, comme on s’y attend, un jeu de chromosomes de provenance maternelle et un jeu de provenance paternelle.

Par contre, pour certains œufs fertilisés, le sperme des mâles semble détruire dans l’œuf fertilisé l’ADN en provenance de la mère pour y substituer le matériel génétique complet du mâle, créant ainsi un clone du mâle.

Le résultat en est qu’à la fois les mâles et les femelles ont leur propre pool génique indépendant, en faisant de facto deux espèces différentes. On pourrait ainsi considérer les mâles comme une espèce séparée parasite qui squatterise les œufs de l’espèce hôte pour sa propre reproduction, en même temps que les deux espèces coopèrent pour produire des ouvrières stériles.

Référence

Fournier, D., Estoup, A., Orivel, J. et al. “Clonal reproduction by males and females in the little fire ant.” Nature 435, 1230–1234 (2005).