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L’eau a-t-elle une mémoire ?

Publié en ligne le 13 février 2018
L’eau a-t-elle une mémoire ?
Sociologie d’une controverse scientifique

Pascal Ragouet
Raison d’agir, Coll. Cours et Travaux, 2016, 240 pages, 20 €

Nos lecteurs se souviennent peut-être de la polémique sur « la mémoire de l’eau » avancée par le Pr Benveniste et rendue fameuse en 1988 par un article paru dans la prestigieuse revue Nature et relayé par Le Monde qui annonçait potentiellement « un bouleversement des fondements de la physique ». Rien de moins ! Et à juste titre : une eau ayant contenu des molécules actives, mais n’en contenant plus à cause de ses dilutions successives, continuait à avoir une activité spécifique de dégranulation des granulocytes basophiles.

Si c’était vrai, toutes nos connaissances sur la structure de la matière seraient à remettre en cause. Mais ce n’est pas pour cette raison que les expériences de Benveniste vont être contestées. Il en a été de même avec la découverte de neutrinos supraluminiques (allant plus vite que la lumière) qui remettait en cause rien moins que la théorie de la relativité, ou avec la fusion froide. Dans tous les cas, ces expériences n’ont pas été reproductibles de façon convaincante. Après tout, la science « officielle » a bien dû admettre des invraisemblances manifestes, par exemple la mécanique quantique qui stipule qu’un électron peut passer par deux trous à la fois et elle l’a même fait assez vite.

Le livre de Pascal Ragouet est celui d’un sociologue qui pratique une forme de « neutralité axiologique » (considérer symétriquement les thèses en présence, sans jugement de valeur). Il est de ce point de vue d’autant plus accablant pour cette « théorie » et ses derniers défenseurs connus (citons le Pr Montagnier à qui fut accordé un quart de prix Nobel et Jacques Testart). Rien de cette polémique ne nous est épargné, que ce soit sur la philosophie des sciences des protagonistes ou sur le détail des expériences de paillasse.

Même si nous avouons être quelquefois dépassé par le style très sociologique de son auteur, nous ne pouvons que recommander sa lecture à qui est intéressé par un éclairage non relativiste de ce qui a été une grande polémique de la fin du XXe siècle.

Publié dans le n° 322 de la revue


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Auteur de la note

Hubert Krivine

Hubert Krivine est physicien. Il a été chercheur au (...)

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