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Le progrès sans le peuple

Publié en ligne le 21 février 2017
Le progrès sans le peuple

Ce que les nouvelles technologies font au travail

David Noble

Agone, Coll. Contre-Feux, 2016, 240 pages, 20 €

Malgré son titre, ce livre échappe largement aux préoccupations qui sont celles de notre revue. En effet, si les discussions ouvertes par ce livre peuvent intéresser certains de nos lecteurs, son objet n’est pas du domaine de l’AFIS. L’auteur – décédé en 2010 – est présenté en 4è de couverture comme « historien des sciences et des techniques », ayant enseigné dans plusieurs universités nord-américaines, notamment au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (dont il a en fait été renvoyé en 1986 après avoir mis en cause l’école comme étant de plus en plus dominée par l’industrie et l’armée). Et si l’ouvrage, compilation de textes rédigés dans les années 1980, peut globalement et malgré tout être considéré comme un livre d’« histoire », il n’y est en réalité que très peu question de « techniques » et à peu près pas du tout de science, en dehors d’allusions lapidaires et non étayées telles que ce très surprenant jugement à propos de la Première Révolution Industrielle : « En réalité, il n’existait presque aucun lien entre science et technologie industrielle  » (p. 36). L’histoire est ici un arrière-plan plus que l’objet véritable du livre, et elle est convoquée uniquement à charge pour nourrir la thèse de l’auteur selon laquelle les progrès technologiques sont, dans le cadre du système capitaliste, essentiellement un outil de lutte aux mains des classes dirigeantes et contre les travailleurs. Ceux–ci auraient été abusés et désarmés par une technophilie à l’œuvre dans les syndicats et les partis politiques qui se revendiquent de la classe ouvrière, car tous intoxiqués par « l’idéologie du progrès ». Les cibles principales de ces textes des années 1980 sont l’informatisation et l’automatisation, auxquelles il est proposé d’infliger les actes de sabotage qui avaient été ceux des « briseurs de machine » du début du XIXe siècle. Cette thèse clairement « technophobe » est éminemment discutable, mais ce n’est pas le lieu ici de la discuter, car il s’agit là d’une discussion purement politique et stratégique au sein du mouvement ouvrier. Il n’y a ni science, ni pseudo-science dans ce livre qui relève d’un tout autre registre, celui de l’analyse politique.

Signalons pour finir que la présentation de l’ouvrage n’indique pas s’il a été réalisé matériellement par son éditeur sans utilisation de l’outil informatique, dénoncé dans ces pages comme une simple machine de guerre anti-ouvrière.