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Les déchets

Publié en ligne le 7 mars 2017
Les déchets

Du big bang à nos jours

Christian Duquennoi

Éditions Quæ, 2015, 168 pages, prix 23 € (broché) ou 13,99 € (numérique)

« Combien de temps nous reste-t-il avant de faire face à des crises environnementales sévères et à répétition ? Nul ne le sait, pas même les scientifiques. » (p. 28)

Contrairement à ce que pourrait laisser penser l’exergue, il ne s’agit pas d’un nouvel ouvrage catastrophiste sur le devenir de la planète Terre. L’auteur, Christian Duquennoi, chercheur à l’IRSTEA 1, est certes préoccupé par la question environnementale, mais propose surtout d’exposer le regard que portent les scientifiques sur la notion de déchet. Et il partage avec virtuosité ses connaissances sur le sujet, dans un ouvrage accessible à tout public.

Le premier chapitre a valeur d’introduction du sujet : la science d’étude des déchets se nomme la « rudologie ». Et l’on apprend 2 qu’il « n’y a pas de vie possible sans déchets. On sait que le vivant est obligé de produire des déchets, et que le vivant se nourrit de déchets, depuis la nuit des temps. » (p. 11), et que « les déchets ne sont que de la matière ». En effet, les organismes vivants – même microscopiques – sont des structures organisées et dissipatives, qui rejettent dans le milieu extérieur de la matière, quelle que soit l’échelle d’organisation considérée, de la cellule à la communauté d’individus : les fameux déchets ! Et Mais la production de déchets vaut aussi pour la société humaine…

Le chapitre suivant présente l’évolution biologique au regard de la production des déchets par les organismes vivants, les déchets produits par certains pouvant être des ressources pour d’autres. Pour ne citer qu’un exemple durant ces 500 millions d’années d’évolution des espèces et des écosystèmes, les premiers organismes photosynthétiques produisent comme déchet de l’oxygène. Et cela favorisera l’émergence d’êtres vivants qui vont utiliser la respiration comme source d’énergie. Le recyclage des déchets est ainsi un constituant essentiel du fonctionnement des écosystèmes 3.

Le troisième chapitre présente la production de déchets depuis les premiers hominidés (il y a plus de 2 millions d’années) jusqu’au début de la sédentarisation des humains (il y a environ 8000 ans). La consommation de nourriture et la fabrication d’outils (pierres taillées au départ, outils plus élaborés ensuite) entraînent la production de déchets. Mais le nomadisme empêche leur accumulation, qui ne commencera qu’avec l’apparition des villes au Levant.

Il y a environ 5000 ans, la « révolution néolithique » est achevée : les populations humaines sont sédentaires, élèvent des animaux domestiques et pratiquent l’agriculture. Le quatrième chapitre décrit alors la nature des civilisations humaines qui se succèdent : « rurales, agricoles et artisanales, organisées autour de foyers urbains » (p. 100), avec des échanges commerciaux. La production de déchets augmente alors de façon exponentielle en même temps que la population mondiale. Vers 1800, c’est le phénomène appelé communément « révolution industrielle » qui marque le début d’une « civilisation hyper-consommatrice de ressources et hyper-productrice de déchets qui se globalise » (p. 111) : l’utilisation du pétrole complète celle du charbon. Malgré la mise au point de procédés de recyclage de déchets (compostage, méthanisation, réutilisation de déchets industriels, etc.), les années 1950 voient l’émergence « d’une société de consommation, dans laquelle tout, ou presque, est jetable et [...] peu de produits sont recyclés » (p. 129). Il s’agit de « créer et entretenir un désir de consommation permanent, de biens et de service » (p. 133) qui conduit à une « explosion de la production de déchets, comme de la consommation des ressources » 4. L’auteur décrit ensuite les atteintes environnementales : beaucoup de déchets finissent en effet dans les milieux naturels. Mais la mer, par exemple, n’est pas « un réservoir infini qui peut engouffrer et digérer nos déchets » (p. 135). Ainsi, des polluants s’accumulent le long de la chaîne alimentaire, et les « déchets de plastique voyagent jusqu’au cœur [...] des océans » (p. 139).

Le dernier chapitre, intitulé « Les déchets au cœur de notre avenir », présente quelques voies possibles pour diminuer les volumes de déchets produits : économie circulaire, écoconception des objets, augmentation du recyclage... L’auteur présente aussi l’utilisation des biotechnologies, qui peuvent permettre à l’avenir de développer l’utilisation des déchets comme ressources.

Le propos est appuyé chaque fois que nécessaire par des illustrations, schémas, photographies ou graphiques judicieusement choisis. De plus, de nombreux compléments d’informations sont disponibles dans des encadrés, ce qui contribue avantageusement à la richesse de l’ensemble.

Malgré quelques erreurs, comme l’idée fausse que la fonte « de la banquise provoque une importante remontée du niveau des mers » (p.87), ou des formules chimiques erronées (p.107), la lecture de cet ouvrage me semble indispensable pour quiconque souhaite un regard complet et mesuré sur l’univers des déchets, des premiers organismes vivants à la société humaine aujourd’hui.

1 Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

2 La notion de déchet est ainsi beaucoup plus large qu’un simple détritus que l’on jette dans une poubelle !

3 Actuellement, on estime que 20 à 30 % de la biomasse vivante planétaire sont des organismes recycleurs de déchets organiques.

4 L’auteur donne des chiffres à l’appui. Par exemple, en 2014, on a jeté environ 75 millions de tonnes d’équipements électriques et électroniques de par le monde, dont moins de 20 % sont recyclés.