Accueil / Notes de lecture / Y’a plus de saisons !

Y’a plus de saisons !

Publié en ligne le 11 janvier 2016
Y’a plus de saisons !

et autres idées toutes faites sur la planète

Frédéric Denhez (textes), Roland Garrigue (illustrations)

Éditions Delachaux et Niestlé, 2015, 128 pages, 12,90 €

Cet ouvrage se propose de remettre en question une centaine d’idées reçues concernant – de près ou de loin – la préservation de l’environnement. Une fois la question ou l’affirmation posée, Frédéric Denhez, journaliste et écrivain scientifique titulaire d’un DESS Ingénierie de l’environnement, propose des éléments de réponse en une dizaine ou une quinzaine de lignes. La plupart des réponses sont illustrées de façon amusante, et en lien avec le texte, par Roland Garrigue.

Toutes les idées reçues mises en avant sont intéressantes, car ce sont des questions que toute personne quelque peu curieuse doit se poser un jour, ou bien des affirmations qu’on a déjà pu avoir entendues. Quelques exemples : On peut tout recycler. Les biocarburants concurrencent l’alimentation. Gratuits, les transports décongestionnent les villes. La voiture de demain ne polluera pas. Le tourisme vert, c’est mieux. La nature, ça n’a pas de prix. La mer va nous submerger. L’eau du robinet est cancérigène. Les entreprises se fichent de l’environnement. Les sols disparaissent en France. Manger de la viande, c’est mauvais pour la planète. Les OGM sont toxiques. Etc.

Les réponses de F. Denhez sont le plus souvent bien expliquées et pertinentes. Ainsi, les petits gestes que tout un chacun peut faire pour l’environnement sont utiles (p. 5) ; certains biocarburants concurrencent l’alimentation, mais on cherche à en développer qui n’ont pas cet inconvénient (p. 10) ; les rejets de gaz à effet de serre sont bien responsables du changement climatique en cours (p. 36) ; il est préférable de se déplacer en train plutôt qu’en avion (p. 56 et 71) ; le saumon, carnivore, accumule des polluants dans sa chair, mais il faudrait vraiment en manger beaucoup pour mettre sa santé en danger (p. 88) ; les cultures irriguées ne sont pas un gâchis d’eau, mais une façon d’augmenter les rendements agricoles (p. 107) ; les accidents nucléaires de Tchernobyl et Fukushima n’ont pas « empoisonné la planète » (p. 114). Certaines réponses sont cependant trop courtes et nécessiteraient des développements plus importants. Le lecteur pourra toutefois utiliser d’autres sources d’informations pour compléter sa réflexion.

On regrettera cependant que le propos ne soit pas référencé, ni dans le corps du texte, ni à la fin de l’ouvrage. Il n’y a pas non plus de références disponibles sur le site de l’éditeur. F. Denhez semble donc utiliser sa culture personnelle pour alimenter la réflexion du lecteur. Et c’est là le point faible de l’ouvrage.

F. Denhez donne une définition incorrecte du « Peak Oil » – pic pétrolier en français (p. 63) : « moment où l’on aura consommé la moitié de ce qui était disponible ». Il s’agit en réalité plutôt du moment où la production mondiale de pétrole plafonnera, avant de diminuer. Toujours à propos du pétrole, il affirme aussi que cela « fait tout de même des années que la production n’équilibre plus la consommation » (p. 63). Mais alors d’où vient le pétrole qui serait consommé sans être produit ? ! ?

Il faut aérer son logement (p. 33) pour renouveler l’air que l’on respire, d’accord. Mais d’après l’auteur, il faudrait le faire surtout en hiver, car « l’air chauffé par les radiateurs se charge en vapeur d’eau qui elle-même se charge de tous les acariens et produits chimiques ». La formulation semble un peu naïve, on comprend mal comment la vapeur d’eau (un gaz) peut être un vecteur de petits animaux ou d’autres molécules... En outre, lorsque l’influence du changement climatique sur la biodiversité est évoquée (p. 13) : « La vie pourra-t-elle encore s’adapter ? Nul ne le sait ». Il ne fait pas de doute que les êtres vivants ne disparaîtront pas tous du fait du changement climatique : la vie est robuste, comme on a pu le constater par le passé.

F. Denhez ne sait pas si le bio est meilleur pour la santé des consommateurs : « Meilleur pour la santé ? On n’en sait strictement rien, même si l’on se doute que l’absence de produits chimiques ne peut nuire » (p. 19). D’une part, de nombreuses études montrent que les productions en bio n’ont en moyenne pas de meilleures qualités nutritionnelles qu’en agriculture conventionnelle 1. Et d’autre part, les résidus de pesticides présents en agriculture conventionnelle ne présentent pas un risque pour la santé du consommateur dès lors que les normes sont respectées 2.

F. Denhez prend soin d’expliquer que la consommation d’OGM ne présente pas de risques pour la santé (p. 121). Cependant, on aurait souhaité voir précisé dans l’ouvrage (par exemple, p. 14, où la dimension socio-économique des OGM est abordée) que tous les OGM ne sont pas mis au point et commercialisés par des entreprises multinationales 3.

En outre, certaines affirmations ne sont pas convaincantes. Ainsi, F. Denhez nous explique (p. 12) que consommer des fruits et légumes « hors saison », produits à l’autre bout du monde, c’est aussi bien pour l’environnement que d’acheter sur le marché à des producteurs locaux ! L’auteur explique aussi que la transition énergétique serait une « supercherie, car dans l’histoire, jamais une source d’énergie nouvelle n’en a remplacé une autre » (p. 64). Mais il omet de préciser alors que, selon certains, une transition énergétique vers moins de rejets de dioxyde de carbone serait une nouvelle nécessité à prendre en compte en raison d’une influence anthropique sur le climat.

On pourra aussi avoir du mal à partager certaines opinions de l’auteur, en raison de leur caractère éminemment discutable, comme l’explication que les saisons qui sont « de moins en moins marquées » sont bien « la preuve du changement climatique » (p. 58) ; ou bien à propos d’une centrale nucléaire, « nul ne sait comment la démanteler lorsqu’elle est mise à la retraite » (p. 84) ; ou encore à propos des engrais de synthèse, qui sont une « perfusion » pour les plantes, contrairement aux engrais organiques (p. 51). Enfin, F. Denhez indique qu’un « essorage très rapide fait faire de sacrées économies d’énergie… au sèche-linge ! » (p. 95). Mais pourquoi ne pas rappeler que la meilleure façon de faire sécher le linge, c’est de l’étendre sur un séchoir ?

Bref, un ouvrage qu’on peut lire comme un ensemble de brèves, tout en sachant qu’il faudra quand même produire un effort pour trier le vrai du faux.

1 Les fruits et légumes bio ne sont pas meilleurs pour la santé (Léon Guéguen), SPS n° 314, octobre 2015, p. 49.

2 Voir par exemple le troisième encadré de l’article La dose ne ferait-elle plus le poison ?.

3 Voir l’exemple du riz doré : Qu’est-ce que le riz doré ?.


Partager cet article


Auteur de la note

Kévin Moris

Kévin Moris est ancien élève de l’École normale (...)

Plus d'informations