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Aspartame : une démarche dont la France pourrait s’inspirer

Publié en ligne le 4 août 2014 - Alimentation -

En mai 2011, à la demande de la Commission Européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a entrepris une réévaluation de l’additif alimentaire aspartame (E951). Dans ce but, l’agence a mis en place au sein de son comité d’experts « Additifs alimentaires et sources de nutriments ajoutés aux aliments » (ANS) un groupe de scientifiques spécifiquement chargé de ce travail (appelé groupe « aspartame ») 1.

Deux mois plus tard, l’EFSA a lancé un appel à données pour recueillir un maximum d’éléments sur les effets de l’aspartame. En 2012, un second appel à données porte sur les produits de dégradation de l’aspartame. Toutes les données collectées, préalablement publiées ou non, sont mises à la disposition du public via le site Internet de l’EFSA 2. Ceci inclut en particulier les 112 travaux originaux qui avaient été soumis dans le cadre de la procédure d’autorisation de cet additif en Europe au début des années 1980. Les données initiales inédites soumises à la FDA américaine (Food and Drug Administration), y figurent également.

Une consultation publique organisée du 15 janvier au 15 février 2013 sur la base d’un pré-rapport va recueillir 214 commentaires en provenance des différents acteurs de la chaîne alimentaire. Le 9 avril 2013, une réunion publique permet aux principaux contributeurs (y compris l’ANSES, l’agence française) de présenter leurs propres positions. Le rapport scientifique définitif vient d’être publié (10 décembre 2013). Il est accompagné d’un rapport technique qui regroupe l’ensemble des contributions et les réponses de l’EFSA. Cette démarche gagnerait à être systématisée. Outre l’amélioration du processus d’expertise lui-même, elle rendrait plus difficile les éventuels procès d’intention sur l’indépendance de l’expertise.

Notons ici une importante différence dans le fonctionnement de l’expertise entre l’Europe et la France. Au niveau européen, le texte du pré-rapport aussi bien que celui du rapport définitif sont, mot pour mot, ceux des experts. À l’Inverse, en France, l’avis de l’ANSES émis le 20 février 2013 en réaction au pré-rapport de l’EFSA, a été rédigé « sur la base des rapports produits par les membres du groupe [d’expertise] [...] dont chaque membre a été mandaté pour expertiser une partie précise de l’avis provisoire de l’EFSA » et publié sous la signature du directeur général de l’agence 3. Cette différence n’est pas sans conséquences en matière d’indépendance de la procédure d’expertise. Le directeur n’est pas un expert et il est nommé par le gouvernement.

Les exemples de divergences entre communication officielle et opinion des experts sont multiples, comme dans le cas de l’analyse par l’ANSES de la publication de Gilles-Eric Séralini (2012) 4, l’avis de l’AFSSET sur les ondes électromagnétiques (2009) 5 ou encore celui du Comité de préfiguration de la haute autorité des biotechnologies sur le MON810 (2008) 6.

Publié dans le n° 307 de la revue


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L' auteur

Gérard Pascal

est directeur de recherche honoraire à l’INRA, ancien président des comités scientifiques directeur (CSD) et de (...)

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