Accueil / Regards sur la science / La présence de protéine prion anormale dans les appendices humains

La présence de protéine prion anormale dans les appendices humains

Publié en ligne le 8 juin 2014 - Médecine -

L’Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB, « maladie de la vache folle »), responsable de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vCJD), a entraîné chez l’Homme la mort de 177 personnes au Royaume Uni (UK), et de 51 dans le reste du monde, dont 27 en France. Elle est maintenant éliminée des pays européens, initialement les plus touchés, et des recherches biologiques sont toujours réalisées afin d’évaluer ce qui pourrait survenir dans l’avenir. Parmi ces travaux, une étude très importante [1] a été conduite au Royaume Uni, afin d’évaluer la proportion d’humains qui ont reçu le prion bovin mais n’ont pas été malades. La démarche est particulièrement intéressante, car on pouvait craindre que ces porteurs asymptomatiques soient plus tard des victimes, si la maladie ne se développait que tardivement.

Pendant la période de l’enzootie 1 de l’ESB, des principes avaient conduit à conserver, comme « archives » pour analyses ultérieures, les tissus retirés chez des patients qui subissaient des ablations chirurgicales. Ceci concernait essentiellement l’appendice et les amygdales, organes dont l’élimination est nécessaire lors d’infections. Ces tissus conservés ont permis à plusieurs reprises de rechercher s’ils contenaient des protéines prions pathologiques chez ces patients dont aucun ne présentait de signes de la vCJD. Le travail, publié en 2013, a consisté à pratiquer des examens anatomo-pathologiques sur des échantillons d’appendices avec les objectifs d’évaluer le nombre d’échantillons porteurs de protéine prion pathologique, de savoir si les sujets porteurs de cette protéine étaient plus fréquents dans l’un ou l’autre sexe, ou dans une classe d’âge, ou dans l’un des trois secteurs géographiques et, ce qui est le plus important, de préciser la structure de leur gène responsable de la protéine prion (PRNP), dont le point sensible est le codon 129.

Les travaux réalisés ont porté sur 32441 échantillons d’appendices sur lesquels 16 ont été trouvés comme positifs, ce qui est une proportion de 0,0493 %, soit pratiquement 500 cas par million de personnes. Certes, il a été observé des différences entre hommes et femmes (respectivement 10 et 6) et selon l’âge des patients (plus pour ceux qui étaient nés dans la période 1941-1960 que pour ceux qui étaient nés dans celle de 1961- 1985), mais statistiquement ces différences n’étaient pas significatives. De même, il n’y avait pas de différence d’ordre géographique.

En ce qui concerne la génétique, l’étude confirme bien qu’un facteur important de l’apparition clinique des sujets infectés dépend du génotype. Les chromosomes étant constitués de deux chaines porteuses desgènes qui peuvent être identiques (homozygotie) ou différents (hétérozygotie), il est établi que le codon 129 varie dans sa structure par ses acides aminés (méthionine et valine). L’étude a montré que la totalité des 177 morts de l’UK étaient homozygotes mét-mét et que si 50 % des 16 sujets porteurs étaient homozygotes mét-mét, 25 % étaient hétérozygotes mét-val, et 25 % homozygotes val-val. Ceci confirme bien qu’un facteur important de l’apparition clinique des sujets infectés dépend du génotype, ce qui justifie par ailleurs l’orientation actuelle des recherches mondiales à propos des différents types de prions.


Référence
1 | Gill O N et al. “Prevalent abnormal prion protein in human appendixes after bovine spongiform encephalopathy : large scale Survey”. BMJ, 2013, 347 :f5675.

1 Enzootie : contrairement à l’épizootie, il s’agit d’une maladie de l’animal, présente habituellement dans une région bien définie et montrant des variations limitées du nombre de cas au cours du temps.

Publié dans le n° 307 de la revue


Partager cet article


L' auteur

Henri Brugère

Henri Brugère est vétérinaire, Professeur émérite à l’École Nationale Vétérinaire de Maisons-Alfort et président (...)

Plus d'informations