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Le brevetage des OGM : une situation paradoxale inattendue

Publié en ligne le 27 mai 2013 - OGM et biotechnologies -

Le brevet déposé par Monsanto sur le soja Roundup Ready 1 (RR1) résistant à un herbicide total, le glyphosate, va arriver à expiration en 2014. Cet événement parfaitement prévisible prend de court les intéressés, les agriculteurs comme les semenciers. Les agriculteurs des USA sont confrontés à une situation paradoxale. En 2014, lorsque le brevet sur le RR1 aura expiré, les agriculteurs pourront librement ressemer les graines de leur récolte et ils ne seront donc plus tenus d’acheter à Monsanto de la semence RR1 chaque année. C’est le bon côté de la situation. Mais les récoltants de soja RR1 sont inquiets car ils ont peur de ne plus pouvoir vendre leur soja en dehors des USA, ce qui serait catastrophique car 93% du soja des USA est du RR1 et 60% de ce soja est exporté dans plusieurs continents.

En effet, il faut savoir qu’aux USA une variété, y compris OGM, agréée par l’USDA (United States Department of Agriculture), bénéficie indéfiniment de son agrément. En d’autres termes, l’industriel n’a pas besoin de redemander périodiquement une prolongation de l’agrément d’une variété quelle qu’elle soit. Mais il n’en est pas de même dans d’autres pays : en Chine un agrément doit être renouvelé tous les 3 ans, en Corée du Sud tous les 5 ans et au Japon ainsi que dans l’UE tous les 10 ans. Les agréments des variétés sont demandés et payés par les industriels. Il est clair qu’en 2014 Monsanto n’aura plus de raison de payer un renouvellement des agréments du RR1 dans les divers pays importateurs pour permettre une prolongation de l’exportation de ce soja. En effet Monsanto a mis en vente en 2009 une nouvelle variété de soja (RR2) résistant comme le RR1 au glyphosate mais plus performante et bénéficiant d’un nouveau brevet propre. Monsanto aurait pu forcer les agriculteurs à acheter chaque année la semence du RR2 en retirant du marché le RR1.

Les agriculteurs ont expressément demandé à Monsanto de prolonger les agréments du RR1. Monsanto, qui a accepté cette prolongation jusqu’en 2021 pour ne pas déséquilibrer le marché du soja et ne pas perdre la confiance de ses clients, va donc accuser une double perte due au coût des agréments à renouveler et à la baisse de ses recettes, le RR1 récolté par les agriculteurs pouvant désormais être utilisé librement comme semence.

Les choses se compliquent encore par le fait que diverses entreprises semencières souhaitent intégrer par croisement le transgène du RR1 dans leurs propres variétés conventionnelles ou OGM portant des transgènes de résistance à des insectes par exemple. D’ici à 2020, plusieurs brevets portant sur des semences OGM produites par différentes compagnies vont devenir obsolètes. La situation rencontrée pour la première fois avec le RR1 va donc se généraliser car 50% des variétés OGM portant plusieurs transgènes empilés résultent déjà de croisements entre les OGM des diverses compagnies qui en possèdent et en vendent. Les principales entreprises concernées, auxquelles se joindront rapidement d’autres de taille plus modeste, ont conclu des accords afin de prolonger les agréments suffisamment longtemps pour ne pas perturber les marchés. Les entreprises semencières sont par ailleurs tenues d’informer les agriculteurs de la date d’expiration de leurs brevets. Une mutualisation des coûts du soutien des semences OGM ne bénéficiant plus de leur brevet est également mise en place par les principales compagnies productrices de semences auxquelles devraient se joindre progressivement des entreprises de la sélection plus modestes. Il sera par ailleurs possible pour une entreprise semencière de vendre et d’exporter des OGM abandonnés par leurs obtenteurs d’origine en payant elle-même les renouvellements d’agrément au cas par cas 1.

1 Grushkin D. 2013 : Threat to global GM soybean access as patent nears expiry. Nature Biotechnology : 31 (1), 10-11.


Thème : OGM et biotechnologies

Mots-clés : OGM