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Courrier des lecteurs : janvier à mars 2013

Publié en ligne le 28 septembre 2013 - Rationalisme -

Il faut en faire plus !

Abonnée à la revue depuis janvier 2009, je partage les valeurs de l’AFIS à laquelle j’adhère. J’apprécie le format de poche de cette revue. Je trouve que la forme rédactionnelle s’est améliorée au fil du temps. Les errements rédactionnels pouvant décourager le lecteur sont moins fréquents. Un dossier comme celui sur l’évaluation des troubles mentaux est exemplaire pour son accessibilité et les repères qu’il pose. J’apprécie beaucoup votre rubrique Livres et revues qui m’a permis de faire des lectures intellectuellement déterminantes [...].

La cause de la revue portée principalement par des chercheurs sceptiques, qui ont certainement du mal à convertir l’ensemble de leurs pairs, gagnerait à être connue de tout public, car durablement, la conversion des têtes pensantes ne se fera que par l’exigence des citoyens. Ainsi, ce mouvement doit se faire connaître et comprendre des enseignants de base, du primaire et du secondaire, car dans ce milieu, beaucoup de croyances circulent, peu rationnelles et très éloignées de l’esprit scientifique qui pourtant a été souvent à la base de la formation de ces maîtres. De même, dans le milieu soignant, peurs non fondées, attraits pour le paranormal sont fréquemment rencontrés chez les paramédicaux comme chez les médecins. Quelle stratégie pour toucher ces milieux ?

Quelques suggestions : davantage de visibilité sur Internet, certainement, et plus de liens sur des sites amis qui renverraient à celui de l’AFIS ; plus de sensibilisation des centres de formation initiale et continue. Serait aussi utile une stratégie en direction des étudiants en sciences fondamentales et appliquées, qui connaissent seulement la rationalité de leur discipline, de façon à les inviter à étendre leur esprit critique à d’autres domaines ; en direction aussi des étudiants en sciences humaines pour qu’ils entretiennent ou développent une démarche scientifique. [...]

E. R. (Praticien hospitalier, médecine générale)

Merci de vos appréciations positives et de vos suggestions qui nous semblent souvent fort judicieuses. Vos remarques s’inscrivent dans le débat récent que nous avons entamé grâce à Hervé This (voir nos deux précédents numéros) pour optimiser notre action. Pénétrer davantage le milieu médical et paramédical, le milieu éducatif et étudiant nous paraît aussi hautement important. Plusieurs membres de l’association ou de la revue sont d’ailleurs professeurs et sensibilisent les étudiants au quotidien. Les acteurs de l’association, du site et de la revue, tous bénévoles comme vous le savez, ne peuvent donc qu’espérer voir d’autres collègues et amis relayer leurs actions.

M. B.

Un peu de rêve dans ce monde de brutes ?

Je suis un nouveau lecteur... Après la découverte de plusieurs articles et une visite rapide sur le Web, je regrette un peu le rejet ou la dérision, à mon sens trop systématique, d’articles relatifs aux pseudosciences. Certes dérives, voire délires il y a... j’en conviens ! [Mais] une part de vérité « n’est-elle pas plus dans le territoire que dans les cartes affichées ? » [...]

Chacun dans sa singularité et son expérience ne peut-il pas trouver des issues, voire des réponses à des (ses) situations de vie, autant dans les sciences et la croyance rationnelle, que dans des valeurs plus ésotériques, moins objectivistes ? [...] Voyez-vous ! La pratique de la radiesthésie m’apprend simplement la détente, le calme et le plaisir, comme plasticien du tracé, des cadrans de mesure... L’intérêt porté au monde de la subjectivité me replace aussi dans la culture chaude des valeurs très anciennes, jusqu’à la préhistoire et celles plus humanistes et humanisantes face au monde froid des « Tics et des Tocs » du jour [...].

M. D.

Merci de votre message original et rafraîchissant. Vous me donnez l’occasion de préciser que notre démarche de soutien à la science et à la rationalité n’est pas, pour nous, l’alpha et l’oméga de « toute la vie ». Il est bien évident (mais vous avez raison de le rappeler) que l’imaginaire, l’art, la subjectivité, le rêve, la poésie, que sais-je encore, sont des aspects de la vie où nous n’avons non seulement rien à dire, mais encore, où nous sommes peut-être nous-mêmes irrationnels ! Le problème se situe plus au niveau du réel : le pendule vous détend, parfait (c’est réel). Vous fait-il trouver de l’eau ?... La réalité, c’est que personne n’a pu montrer que le pendule avait permis aux sourciers de déceler la présence d’eau (ou d’autre chose). Et il en est ainsi de toutes les pseudosciences ou médecines douces : elles ne font jamais la preuve de leur effet spécifique, de leur « réalité ». Les améliorations constatées sont bel et bien l’effet, soit de la nature, soit de la suggestion, soit parfois, d’un effet réel et connu, mais réapproprié dans une sauce ésotérique. Voilà aussi une réalité. Est-ce pour autant desséchant, appauvrissant, est-ce une entrave à notre droit de rêver ? Personnellement, je ne le pense pas. Rêver n’est pas « se tromper ». Enfin, argumenter sur l’absence de validité scientifique de telle ou telle pratique, pour nous, n’a jamais signifié en demander l’interdiction, où en critiquer l’intérêt personnel que tel ou tel peut y trouver. Mais réciproquement, le respect des choix individuels n’a jamais été, à nos yeux, un élément devant atténuer nos critiques et nos analyses sur le fond.

M. B.

Houlà, mon genou... Il va pleuvoir !

Je tenais à vous remercier du grand nombre d’informations que j’ai pu récolter grâce à vous. En effet, à l’heure actuelle, sur Internet, nous pouvons trouver de tout et n’importe quoi, et rares sont les articles, ou publications informant les lecteurs des différentes sources utilisées. Dans la plupart de vos articles, elles y sont mentionnées ! Pour cela je vous dis merci ! Cependant, là n’est pas ma grande question. Aujourd’hui, l’infirmière qui vient me piquer tous les jours, me répète de faire attention à mon pied (fracturé suite à un accident de moto) [...]. Elle m’a [également] dit que si je ne faisais pas attention, je pourrai avoir de l’arthrose et souffrir quand je serai plus vieux lorsque la météo sera mauvaise (orage, pluie, etc.) ! À ma question : en quoi est-ce scientifique ? Elle n’a pas su me répondre ! Alors, je me tourne vers vous [...] car vous êtes la seule association, le seul rassemblement de personnes en qui j’ai confiance sur un point de vue scientifique !

A. A.

Merci de votre confiance. Notre action consiste à promouvoir l’analyse critique, la démarche scientifique et rationnelle. Nous ne nous estimons pas nous-mêmes, qualifiés pour répondre à ce type de question en général. Toutefois, j’ai trouvé votre question suffisamment intéressante pour aller fouiller un peu (prudemment, car Internet est une source où l’on trouve de tout, et où il convient d’exercer avec soin son esprit critique). Le lien entre fracture et arthrose semble établi 1. La question de l’effet du temps qu’il fait sur les douleurs rhumatismales ressemble plus à de la pseudo-science, mais... un article scientifique 2 de 2009 rapporte le suivi de 36 Norvégiens souffrant d’arthrite rhumatismale, sur trois mois. La douleur rapportée, pour une partie d’entre eux, est liée à la météorologie. Mais il est possible que cela soit dû à leurs croyances, car ils savent évidemment s’il pleut ou non, et la douleur perçue est sensible aux croyances. Un autre article, plus récent 3 (2011), est plus intéressant : il montre, à partir du suivi sur trois ans de 241 personnes atteintes de rhumatismes, un effet significatif du froid et de l’humidité sur une mesure objective de force physique. Enfin, une importante méta-analyse 4, publiée en janvier 2012, donne une conclusion plus modérée : le lien entre la météo, la douleur et les rhumatismes ne serait pas fermement établi. En revanche, le fait que les individus soient sensibles au temps de manière très différente pousse à conclure que le plus probable est qu’il existe bien un lien entre le temps et les douleurs rhumatismales pour certaines personnes, mais peut-être pas toutes. La croyance au lien entre temps et douleur ressemble fort à une croyance irrationnelle, mais il existe des arguments scientifiques permettant de dire que ce lien est sinon fermement établi, du moins probable pour une partie de la population !

Nicolas Gauvrit

4 Smedslund, G. and Hagen, K. B. (2011), "Does rain really cause pain ? A systematic review of the associations between weather factors and severity of pain in people with rheumatoid arthritis". European Journal of Pain, 15 : 5-10. doi : 10.1016/j.ejpain.2010.05. 003