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Mensonges freudiens

Publié en ligne le 16 juillet 2004
Mensonges freudiens
histoire d’une désinformation séculaire

Jacques Bénesteau
Éditions Pierre Mardaga

La psychanalyse a en France un statut bien particulier. Dernière vache sacrée de l’intelligentsia bien pensante, c’est une sorte de sanctuaire auquel il ne fait pas bon s’attaquer. Rares sont ceux qui s’y sont essayés ! C’est pourquoi le livre de Jacques Bénesteau mérite toute notre attention. L’auteur est psychologue clinicien et pratique au sein du service de neuropsychiatrie du CHU de Toulouse. Dans l’ouvrage, rien ne transparaîtra de sa pratique, il se place ici du simple point de vue de l’historien. S’appuyant sur des sources nombreuses et dont beaucoup sont inaccessibles en français, il démonte page après page le mythe freudien et nous montre comment son histoire est inséparable du mensonge et de la désinformation.

Les archives freudiennes ont été expurgées, amputées, et pour ce qui en reste, « de très nombreuses pièces essentielles ont été rendues inaccessibles au regard des curieux, des historiens et des érudits, parfois jusqu’au XXIIe siècle ». Les lettres à Fliess ont subi « maquillage et toilette éditoriale ». Chaque chapitre éclaire d’un jour nouveau la légende freudienne : le maître était ambitieux, tyrannique, superstitieux, imbu de sa grandeur, cocaïnomane prosélyte et les suicides se sont multipliés autour de lui et de ses successeurs.

Jacques Bénesteau reprend à son tour l’étude historique des six fameux cas princeps, dont aucun ne se révéla avoir été un succès thérapeutique à porter au crédit de la psychanalyse. En fait : « La psychanalyse s’est réellement montrée efficace dans la persuasion collective, mais jamais dans l’administration des preuves de ses bienfaits intrinsèques ou de son innocuité, et on comprend très bien dès lors l’impérieuse nécessité de dissimuler la vérité et de dévaluer ses terribles adversaires ».

La psychanalyse est une « grande illusion » qui n’a survécu en France que grâce au talent médiatique de ses prophètes au premier rang desquels Jacques Lacan, dont l’auteur nous trace au passage un portrait qui ne ravira certainement pas les psychanalystes hexagonaux. « La propagande avait édifié un modèle mental, créé le besoin, préparé son incursion dans l’éducation, puis attiré la clientèle sur le divan, vers les comptes en banque » écrit l’auteur qui poursuit : « Écrivains et journalistes, ecclésiastiques et hommes politiques, acteurs et cinéastes, l’artiste et l’universitaire se sont conformés sans discussion aux nouvelles valeurs et s’allongèrent, ou bien trouvèrent dans ce culte du clientélisme une source de revenus dans le nouveau marché, car les idées freudiennes sont bonnes pour le commerce et la valorisation de soi. En France, l’invasion de la culture, de l’éducation, de la presse, de l’édition, du cinéma, de la télévision, des groupes d’influences politique et de manipulation de l’opinion... tout cet univers brassant l’information et organisant activement notre conception des réalités et nos valeurs est investi par la conviction en un dogme jamais mis en question : la psychanalyse est La vérité même et en discuter, simplement en douter, est du domaine de l’inimaginable ou du blasphème ». Comme on le voit, le livre de Jacques Bénesteau déplaira fort à ceux qui apprécient les ronds de jambes littéraires et prônent le verbiage consensuel et allusif. Le verbe est clair, incisif et même parfois offensif et passionné, mais la lecture est facile et surtout le propos est largement argumenté et référencé. Souhaitons donc qu’il ne soit pas étouffé sous l’édredon d’un silence méprisant et que nos lecteurs lui réservent la place qu’il mérite sur le rayon de leur bibliothèque critique.