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Téléphonie mobile

L’information scientifique maltraitée par France Info

Publié en ligne le 23 novembre 2011 - Science et médias -
par Jean-Paul Krivine - SPS n° 299, janvier 2012

Sous le titre « Les études médicales confirment la dangerosité des antennes-relais », France Info produit ce qui est l’exact inverse d’une information sérieuse. Le « dossier du jour » (21 novembre 2011) est consacré à la question des antennes-relais et de leurs effets allégués sur la santé 1.

Premier volet : une enquête menée par une association militante, l’ASEF 2. Pour les journalistes de France Info, « le doute n’est plus permis » : les antennes-relais sont dangereuses pour la santé. Les riverains interrogés sont victimes de nombreux troubles et la cause en est les antennes-relais. Impossible de trouver un descriptif sérieux, même sur le site de l’ASEF (consulté le 22/11/2011), de cette étude, qui n’a été publiée dans aucune revue scientifique. Les biais méthodologiques, voire idéologiques, sont pourtant évidents (voir par exemple l’analyse d’Aurélie Haroche dans le Journal International de Médecine 3. Mais qu’importe, pour France Info, « pas de doute ». L’auditeur en restera aux affirmations de l’association : acouphènes, troubles du sommeil, défauts de concentration « supérieurs à la moyenne » et « qui disparaissent dès que les riverains partent en vacances ». Oubliées les très nombreuses études scientifiques, concordantes, et publiées, celles-ci ; oubliés les avis unanimes des agences de santé publique, à l’échelle nationale et internationale 4, qui concluent que les antennes-relais n’ont aucun effet sur la santé ; oubliées les quelque 30 études conduites selon un protocole rigoureux qui montrent que les troubles des « électro-hypersensibles » sont sans rapport avec les dispositifs de téléphonie mobile qu’ils incriminent 5.

Le témoignage et l’émotion tiennent lieu de preuve. Laurent Gauriat, le journaliste de France Info qui a mené l’« enquête » à Marseille, conclut que ces résultats « corroborent des études menées en Pologne, en Égypte, en Autriche ». Mais au fait, quelles sont ces études ? D’où le journaliste tire-t-il cette information ? Non pas de la consultation des sites des agences de santé, de l’OMS, des académies... mais du communiqué de presse de l’ASEF elle-même 6. Quand un journaliste se transforme en porte-parole des associations militantes...

Second volet. L’avis scientifique. On aurait pu espérer en contrepoids un avis scientifique faisant état de la connaissance telle qu’établie par la communauté scientifique, les agences de santé publique. Il n’en est rien : la parole est donnée au Professeur Belpomme, président d’une autre association militante, similaire à l’ASEF : l’ARTAC. D’ailleurs, l’ARTAC et l’ASEF organisent conjointement des cours et des colloques 7. Bref, France Info ne donne la parole qu’aux activistes, et les propos de Dominique Belpomme ont de quoi stupéfier. Il évoque ainsi un classement des ondes électromagnétiques par l’OMS dans la catégorie « probablement cancérigène », alors qu’il s’agit de la catégorie « possiblement cancérigène » ce qui n’est pas qu’une simple nuance. « Possiblement » signifie, pour l’OMS, que les preuves ne sont pas établies, et qu’il faut poursuivre les recherches. Comment un cancérologue peut-il faire une telle confusion ? Il est certain que « probablement cancérigène » est bien plus anxiogène. Dominique Belpomme poursuit en affirmant que le lien entre exposition aux ondes des antennes-relais et téléphone mobiles et maladie d’Alzheimer « est établi ». Ce qui n’est pas le cas puisqu’aucune étude de type épidémiologique ou de laboratoire n’a été effectuée ; mais là encore, l’auditeur de France Info n’en saura rien.

Pire : en contradiction avec la réalité, Dominique Belpomme affirme que le sujet ne fait plus débat scientifique, que seul le lobby des opérateurs conteste ce lien entre cancer et téléphonie mobile. Si le débat devait être clos, ce serait plutôt pour affirmer l’inverse : l’absence d’effets nuisibles, sauf peut-être dans certaines conditions d’utilisation très intenses pour lesquelles des études doivent être encore conduites pour mettre en évidence un éventuel effet.

En conclusion, Dominique Belpomme affirme recevoir des patients « victimes des ondes » dans un « état pré-Alzheimer », mais « heureusement réversible grâce au traitement [qu’il] a mis en place ». Laissons à Dominique Belpomme son traitement réversible (non décrit) des états pré-Alzheimer.

En conclusion, on ne peut que regretter que France Info se soit livrée à ce qu’il convient d’appeler de la propagande militante, donnant la parole de façon unilatérale aux mêmes propos visant à répandre la peur, au mépris de l’information scientifique, pourtant facilement accessible à tout journaliste qui s’en donne la peine.

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2 Dans le comité scientifique de laquelle on trouve Gilles-Éric Séralini, membre du CRIIGEN qui milite contre les OGM, Pierre Le Ruz, membre du CRIIREM , association sœur du CRIIGEN, mais pour les ondes électromagnétiques.

4 OMS, SCENIHR (conseil scientifique de la Commission Européenne), AFSSET rapport 2009, Académies des Sciences, de médecine et des Technologies.

5 En particulier aucune différence de réaction des intéressés, que le dispositif soit allumé ou éteint !