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Le génie génétique dans les lycées

Publié en ligne le 2 octobre 2011 - Éducation -

Un avis émanant du CRIIGEN demande un moratoire dirigé contre un des travaux pratiques des élèves de classe terminale de certains lycées. Il s’agit d’une opération de génie génétique très simple qui consiste à transférer dans des bactéries un gène de résistance à un antibiotique porté par un plasmide (petit chromosome autonome de bactéries portant quelques gènes et capable de se transmettre spontanément d’une bactérie dans une autre de la même famille). Ce moratoire est demandé pour plusieurs raisons.

1) Cette opération comporterait des risques de dissémination de la bactérie et avec elle du gène de résistance à l’antibiotique.

Une telle expérience est positionnée dans la classe 1 de risque par les commissions spécialisées. Cette classe correspond à un risque non avéré pour les expérimentateurs et pour l’environnement. Ceci permet un confinement de niveau 1, ce qui en pratique n’impose aucune contrainte sinon l’inactivation biologique du matériel utilisé à la fin de l’expérience.

La bactérie utilisée, Escherichia coli, est en effet omniprésente sur la Terre, y compris dans l’intestin de l’homme. La souche utilisée est une des plus utilisées et des mieux connues. Il s’agit de la souche K12 qui est non pathogène et devenue un outil expérimental et industriel. Elle ne se dissémine pas facilement et en particulier ne s’implante pas dans l’intestin de l’homme.

Le gène de résistance à l’antibiotique, l’ampicilline, ne pose dans ces conditions aucun risque de dissémination et il est de toute façon lui-même déjà présent dans de multiples bactéries qui existent dans notre environnement. Sa manipulation ne risque donc de provoquer une résistance accrue de bactéries pathogènes à des antibiotiques de la famille de l’ampicilline.

L’opération de transfert de gène est effectuée selon un protocole qui est décrit en détail et qui contient toutes les informations permettant aux expérimentateurs de travailler en toute sécurité. Ceci est particulièrement vrai pour les techniques d’inactivation des bactéries. Ces techniques très classiques et très sûres sont une inactivation chimique par l’eau de Javel ou thermique à l’aide d’un autoclave.

Les élèves sont encadrés par leurs enseignants dont les connaissances en biologie et le sens des responsabilités n’ont aucune raison d’être remis en cause.

Le plus grand risque dans cette affaire est la manipulation de l’eau de Javel. Il n’y a donc aucune raison d’interdire cette expérience qui est réalisée sans problème dans les lycées de divers pays depuis plus d’une décennie.

2) Il serait plus judicieux d’approfondir l’enseignement fondamental en biologie et de développer l’observation des phénomènes naturels.

Il ne fait aucun doute que l’on apprend autant avec ses mains qu’avec son cerveau. Un élève qui a réalisé l’expérience en question a en peu de temps ressenti plusieurs choses essentielles bien plus intensément qu’en écoutant un discours théorique. Il voit les bactéries qui ont reçu le gène former des colonies qui se développent dans les boites de Pétri alors que les bactéries témoins sont mortes. La relation entre l’action d’un gène et l’expression d’une propriété biologique est perçue et bien mémorisée par l’expérimentateur car elle a été mise en évidence par ses propres gestes. Rien ne remplace l’expérience vécue. Il n’y a là rien de nouveau. Ce commentaire est précisément formulé dans les témoignages de plusieurs élèves dans le monde qui ont pris connaissance de l’avis du CRIIGEN.

3) Les expériences de génie génétique ne devraient pas commencer avant l’accès des élèves à l’université.

Pourquoi ceci serait bien à 19 ans mais pas à 18 ans ? Pourquoi les élèves des lycées ne devraient-ils pas pouvoir bénéficier d’une approche pédagogique plus qu’utile en ces temps où le génie génétique devient de plus en plus utilisé pour la recherche et pour de multiples applications biotechnologiques ?

4) Cette pratique aurait pour effet de banaliser le génie génétique et d’abaisser la vigilance des élèves.

Au contraire, les élèves apprennent ainsi à respecter un protocole expérimental non seulement pour que l’expérience soit un succès mais aussi pour que les bactéries soient toutes inactivées à la fin de l’expérience. Ceci est donc un premier apprentissage de la gestion de risques (dans des conditions qui n’en comportent pas).

5) Le génie génétique (comprenons les OGM) serait un domaine sensible et il serait préférable de faire profil bas.

L’opinion publique ne souhaite pas que l’on mette le boisseau sur ces questions. Elle demande au contraire, avec insistance, car elle se sent dupée, de pouvoir bénéficier d’une information compréhensible et honnête.

Publié dans le n° 297 de la revue


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L' auteur

Louis-Marie Houdebine

Louis-Marie Houdebine (1942-2022) était directeur de recherche honoraire à l’INRA. Il a été membre de la (...)

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