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Psy et psychanalyste, du pareil au même pour France Soir !

Publié en ligne le 3 mars 2011 - Psychanalyse -
par Jean-Paul Krivine - SPS n° 293, hors-série Psychanalyse, décembre 2010

Vendredi 29 octobre, France soir titrait en couverture « Bienvenue chez le psy », indiquant en sous-titre : « 10 bonnes raisons d’y aller ». Qui sont ces psys qui nous sont recommandés, et quelles sont ces bonnes raisons de les consulter ? Reportons-nous aux pages intérieures pour le savoir.

Le consultant de la rédaction est… un psychanalyste (Robert Neuburger), et c’est lui qui nous présente ces « bonnes raisons ». On retrouve là les allégations les plus communes de la psychanalyse, quant à ce qui relève d’une prise en charge : les « actes manqués » qui ne sont bien entendu « pas de la simple distraction », mais « représentent un désir refoulé », la souffrance physique qui « révèle un mal-être inconscient », « l’obstination dans une relation amoureuse vouée à l’échec », le sentiment dépressif qui peut se résoudre en « [utilisant] son vague à l’âme pour mieux se comprendre », et en évitant de se laisser enfermer dans le « diagnostic erroné » d’un médecin généraliste qui prescrirait des antidépresseurs. Tout est bon pour justifier le recours au psy : sautes d’humeur, relations avec les collègues, échec amoureux, volonté de « comprendre ce qui vous anime et de découvrir vos désirs inconscients ».

Quant au psy, lequel faut-il aller consulter ? Le journal nous propose les psychologues cliniciens pour les « troubles légers », les psychiatres pour les « troubles mentaux graves ». Pour tout le reste, incluant les dépressions, les phobies ou simplement le mal être, le psychanalyste est la référence. La journaliste reproduit sans le moindre esprit critique les affirmations psychanalytiques : « la cure analytique s’attache aux origines des problèmes qu’elle détecte le plus souvent dans l’enfance, elle se déroule avec le psychanalyste derrière soi, le praticien intervient peu, la position allongée permet à l’inconscient de s’exprimer plus facilement », les cures sont longues (« plusieurs années »). On aurait aimé que la journaliste nous dise ce qui garantit cette déontologie et quels sont ces contrôles. Bien entendu, les cures payantes sont à la base du succès : « les fondements même de la psychanalyse impliquent que, pour réussir, elles “coûtent” quelque chose au patient ». Et si aucun diplôme n’est exigé, que l’on se rassure : « le psychanalyste répond à une déontologie très stricte en matière de formation et de contrôle de ses pratiques et de comportement vis-à-vis de ses patients ».

Quant aux psychothérapies comportementales et cognitives (TCC), elles sont bien mentionnées, mais dans la catégorie « psychothérapeutes », où se côtoient « 200 formes différentes » de pratiques. Mais là, attention, gare aux escrocs, certains des praticiens « se révèlent plus fantaisistes ». Au passage, la journaliste aura oublié que le titre de « psychothérapeute » est maintenant clairement défini dans la loi, qu’il existe bien des diplômes universitaires enseignant les TCC, et bien entendu, que quand il y a eu des évaluations portant, l’avantage était en faveur des TCC et d’autres méthodes devant la psychanalyse.

Cet article est finalement bien banal. Il illustre juste la place occupée aujourd’hui en France par la psychanalyse. Place indue au regard de son statut scientifique, et place qui empêche le développement d’une prise en charge psychologique ou psychiatrique adaptée, quand elle s’avère nécessaire.