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AFFAIRE SERALINI vs FELLOUS : L’AFIS SOUTIENT LE PROFESSEUR MARC FELLOUS

Publié en ligne le 23 novembre 2010 - AFIS -

Communiqué du 22 novembre 2010

Ce 23 novembre 2010 s’ouvre, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris un bien étrange procès.

Le Professeur Gilles-Eric Seralini, de l’Université de Caen, président du conseil scientifique du comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), ancien membre de la commission du génie biomoléculaire (CGB), élevé en 2008 sur proposition du ministère de l’Ecologie au rang de chevalier de l’ordre national du mérite « pour l’ensemble de sa carrière en biologie » poursuit devant les tribunaux son collègue le Professeur Marc Fellous, de l’Université Paris 7 et l’Institut Cochin, ancien président de la commission du génie moléculaire (CGB), et président de l’Association Française pour les Biotechnologies Végétales (AFBV).

Dans le même temps, deux associations, la « Fondation Sciences Citoyennes » (Président : Jacques Testart), association se donnant comme projet de « réunir des chercheurs scientifiques critiques et des "profanes" engagés dans des luttes (sociales, médicales, environnementales) » et de mener une « action transversale de "politisation" de la science » 1, et le « Réseau Européen des Chercheurs pour la Responsabilité Sociale et Environnementale » (Présidente : Angelika Hilbeck, vice-président : Christian Vélot) ont lancé une pétition en soutien du Pr. Gilles Eric Seralini « pour le respect de la controverse scientifique et de l’expertise contradictoire ».

Quel est donc le différend que le Professeur Seralini entend régler de façon judiciaire et qui motive un tel appel au soutien pétitionnaire de la société civile toute entière et des scientifiques réputés « citoyens »et « socialement responsables » ? Quels sont les faits ?

Les faits

Le 21 janvier 2010, le Magazine de la santé de France 5 s’interroge : « les OGM une menace pour la santé ? » 2 et pour répondre à cette question fait appel au Professeur Gilles-Eric Seralini.

Le 26 janvier 2100 l’Association Française pour les Biotechnologies Végétales (AFBV) réagit en écrivant la direction de France 5, se déclarant scandalisée que l’émission « s’appuie sur les seuls propos d’activistes opposés aux OGM, comme GE Séralini, chercheur avant tout militant anti-OGM » , déplore « qu’une chaîne de télévision publique se fasse la porte-parole de « marchand de peurs » d’organisations militantes » et demande que « l’AFBV puisse à son tour s’exprimer sur France 5, en aucun cas dans un esprit polémique mais pour donner son point de vue toujours étayé sur une base scientifique.  ».

Le 28 janvier l’AFBV, toujours par courrier, interpelle le conseil supérieur de l’audiovisuel. Dressant le constat que l’émission Santé Magazine du 21 janvier 2010 avait adopté « un parti-pris militant clairement exprimé contre les OGM » l’association faisait état qu’à son sens « Il est donc complètement anormal de ne pas aussi 3 donner la parole aux très nombreux scientifiques qui ne partagent pas son point de vue. » et considérait que « le sujet évoqué et la crédibilité de cette chaîne et de cette émission méritaient pour le moins un débat sérieux avec des scientifiques reconnus » et regrettait que « « ce n’est pas la première fois que les chaînes publiques donnent exclusivement la parole aux opposants aux biotechnologies végétales et se transforment ainsi en chaîne d’opinion au lieu de rester une chaîne d’information ». En conclusion l’AFBV affichait de son attente du service public qu’il respecte « le principe de neutralité scientifique » et que soit délivrée « dans l’avenir une information plus équilibrée et plus scientifique sur les biotechnologies végétales ».

Qu’est-ce donc que l’AFBV ? Il s’agit d’une association (une ONG) regroupant des individus convaincus « de l’intérêt des biotechnologies végétales pour notre pays, en particulier pour développer une agriculture durable ». Regroupant nombre de scientifiques de la spécialité, elle est présidée par Marc Fellous, professeur émérite de génétique humaine Université Denis Diderot, Institut Cochin, INSERM, ancien président de la CGB (Commission du génie biomoléculaire) et s’appuie sur un Comité scientifique de 12 membres présidé par Georges Pelletier, Directeur de Recherche émérite à l’INRA , membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie d’Agriculture 4.

Une situation inédite

La situation ainsi ouverte est assez inédite en France. Au Royaume Uni, l’an dernier c’est la British Chiropratic Association qui attaquait en justice le journaliste scientifique et auteur à succès Simon Singh 5 pour diffamation parce que il mettait en cause la prétention des chiropracteurs à « aider à guérir des enfants victimes de coliques, atteints de troubles du sommeil ou de la nutrition, d’infections aux oreilles à répétition, d’asthme ou de pleurs prolongés ». Estimant que cet article portait atteinte à son image, l’association de chiropracteurs britanniques demandait alors que Simon Singh porte devant les tribunaux la preuve de l’inexistence des bienfaits qu’ils évoquent... La protestation a été unanime dans la communauté scientifique britannique. La liberté de questionner et de critiquer fermement, sans malveillance, est la pierre angulaire du débat et des controverses scientifiques, que ce soit dans les revues à comité de lecture, sur les sites Internet ou dans les journaux, avec le droit pour la partie opposée de répondre.

En l’occurrence ici une simple enquête d’opinion révélerait que le Professeur Seralini est plus connu du grand public que le Professeur Fellous ; une demande formulée à une autorité de contrôle des médias montrerait sans doute que les temps d’antenne accordés au Professeur Seralini sur les radios ou télévisions sont sans commune mesure avec ceux attribués au Professeur Fellous ; il va sans dire que les publications du Professeur Seralini mettant en cause directement ou indirectement la sécurité sanitaire et environnementale des OGM ont un retentissement dans les médias et sur la blogosphère, y compris à l’échelle internationale, sans commune mesure avec celui des critiques de ces mêmes publications réalisées par les agences de service public de l’expertise scientifique à l’échelle nationale et internationale 6. On peut certes comprendre que, malgré la décoration qui lui a été remise sur proposition du Ministère de l’Ecologie, Gilles-Eric Seralini ne s’estime pas reconnu à sa juste valeur par la majorité de ses collègues de la communauté scientifique, et en particulier par celle des spécialistes des biotechnologies végétales. Mais comment comprendre la poursuite de l’Association Française pour les Biotechnologies Végétales et du Professeur de médecine Marc Fellous devant les tribunaux alors qu’ils ne demandent qu’un accès plus équilibré aux médias ? Comment ne pas s’étonner, qu’au-delà de cette plainte déjà incompréhensible, ces mêmes associations autoproclamées « citoyennes » et « responsables » en appellent à une journée de soutien au Professeur Seralini avec un appel à manifester devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, qui plus est avec le soutien d’ONG telles que Greenpeace, WWF, Attac, ou de partis politiques tels que Cap21, Europe-Ecologie et le Parti de Gauche ?

Sans douter que la justice française, comme la justice britannique, mettra le terme qu’il convient à cette mascarade,

L’Association Française pour l’Information Scientifique

Affirme solennellement que les débats scientifiques ne se règlent pas devant les tribunaux ;

Dénonce la tentative de ce collectif d’associations et de partis politiques de museler, par l’intimidation, l’expression des scientifiques qui n’acceptent pas l’instrumentalisation de la science à des fins partisanes ;

Se solidarise avec Marc Fellous et l’Association Française pour les Biotechnologies Végétales.

2 http://www.france5.fr/magazinesante/010177/94/167953.cfm (indisponibe—20 avril 2020)

3 Tous les soulignements dans ce paragraphe ont été réalisés par la rédaction

5 Ouvrages traduits en français : Histoire des codes secrets. Le roman du Big bang. Le dernier théorème de Fermat.

6 Ne serait-ce que le retentissement de l’avis du 6 janvier 2010 Comité Scientifique (CS) du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) relatif à la publication "A Comparison of the Effects of Three GM Corn Varieties on Mammalian Health" « Comparaison des effets sur la santé des mammifères de trois variétés de mais transgéniques » http://ogm.gouv.fr/IMG/pdf/CP_Saisine-Grosdidier-HCB20090106_cle831f71.pdf (disponible sur archive.org—20 avril 2020)


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L’Association française pour l’information scientifique a été fondée en 1968. Elle édite la revue Science et pseudo-sciences et est responsable de la maison d’édition book-e-book.

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