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Le mythe climatique

Publié en ligne le 26 août 2010
Le mythe climatique

Benoît Rittaud
Seuil, Coll. Science découverte, 2010, 207 pages, 17€

Le consensus scientifique établit clairement qu’un réchauffement climatique est observé et désigne la responsabilité des activités humaines. Les rapports entre science, expertise et décision à propos du climat ont été développés dans un texte adopté par le conseil d’administration de l’Afis en 2013.
L’Afis précise un point important : la science ne dicte pas ce que la société doit faire. Cette question a été plus largement développée dans un dossier publié en juillet 2016.

Ce livre se range dans la mouvance « climato-sceptique », que l’on oppose communément à celle des « réchauffistes ». L’auteur préfère le terme « carbocentristes » pour désigner ceux, qui, suivant le GIEC, pensent que l’émission de CO2 par l’humanité a déjà des conséquences visibles, qui s’aggraveront dans le présent siècle.

Mathématicien, l’auteur se penche surtout sur les aspects statistiques, probabilistes, et sur les modèles informatiques d’évolution du climat. Son exposé est bien écrit, accessible, solidement documenté, et dépourvu d’agressivité inutile. Il est peu intéressé par les bases physiques de l’effet de serre, le rôle du Soleil, ou par l’éventualité d’un basculement « catastrophique » (au sens mathématique) de la machine climatique, et s’abstient volontairement de se pencher sur les mesures correctives que l’on pourrait prendre.

Après avoir décrit les tendances diverses dans l’univers des climato-sceptiques, sa première cible est la fameuse courbe de Mann, « en crosse de hockey », souvent reproduite, qui laisse penser à un emballement des températures au XXe siècle. Il explique que cette courbe résulte d’ajustements et de corrélations, et se fait fort de faire apparaître une courbe de ce genre dans n’importe quelle série de données suffisamment bruitée. Il nie par ailleurs que la notion de température moyenne de la Terre ait réellement un sens. Le léger refroidissement des années 2000 lui semble contredire l’idée d’un réchauffement significatif. Mais ce phénomène est-il réellement lui-même significatif ? Quant aux données anciennes, indispensables, l’auteur critique les méthodes de correction de l’effet de l’urbanisation autour des capteurs.

Les données issues des carottes glaciaires montrent un lien entre teneur en CO2 et température au cours des glaciations et périodes interglaciaires. Mais quelle est la cause, quel est l’effet ? L’auteur s’interroge. Et de toute façon le processus actuel n’a pas d’équivalent dans les temps géologiques, puisque la consommation massive de combustibles fossiles correspondant à un injection de CO2 dont la brutalité n’a pas de précédent connu.

L’approche probabiliste, style « pari de Pascal » est très critiquée. Quant aux modèles d’évolution réalisés par des programmes informatiques, il revendique le droit d’être sceptique à leur égard. Faisons-lui remarquer, quand même, que nul ne prétend prédire une évolution dans l’absolu, il s’agit seulement de savoir si les 100 ou 200 ppm de CO2 que l’Homme a ajoutés permettent, à la marge, de prévoir et d’estimer des changements. L’effet de serre du CO2, renforcé par celui de la vapeur d’eau, dont l’élévation de température initialement due au CO2 augmente la teneur atmosphérique, est tout de même une réalité physique, dont l’auteur fait peut-être bien rapidement abstraction.

Le chapitre intitulé « naissance d’une pseudoscience » nous intéresse évidemment beaucoup. L’auteur essaie de définir ce qu’est une pseudoscience, en s’appuyant sur des exemples historiques. Il ne considère pas le carbocentrisme comme une pseudoscience, mais introduit, pour en caractériser ce qu’il considère comme une dérive, le mot de « climatomancie » pour désigner les tentatives de prévoir les évolutions climatiques. Pour lui, on est alors dans le domaine de la pseudoscience. L’examen des exagérations politicomédiatiques sur les conséquences pratiques de l’éventuel réchauffement conduit l’auteur à les rapprocher des prédictions des astrologues.

Faut-il s’éloigner des conclusions du GIEC après avoir lu ce livre ? Ce serait prématuré. L’ouvrage apporte des arguments précis, mais il existe des contre-arguments. Le débat est ouvert, et il faut être patient, se donner encore des années d’observations. Pour l’instant, l’auteur nous dit : « on ne sait pas ». Cela ne ferme pas la porte à l’apparition d’une vraie science du climat, confortée par des observations de plus longue durée et moins critiquables que ce dont on dispose à l’heure actuelle.

Ce livre semble donc intéressant par la rigueur des arguments présentés ; l’auteur a l’honnêteté de ne rien dire de définitif. Ses réflexions, tant sur la méthodologie que sur l’épistémologie de la climatologie, méritent que nos lecteurs intéressés par ces questions s’y plongent.