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Le « packing » confirmé malgré l’absence d’intérêt thérapeutique prouvé !

Publié en ligne le 6 juin 2010 - Autisme -
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Après le programme de recherche visant à démontrer l’efficacité du packing 1 lancé en décembre 2008 par l’équipe du professeur Delion, responsable d’un service de psychiatrie infanto-juvénile à Lille, M’Hammed Sajidi, président de Vaincre l’autisme – Léa pour Samy, a déposé, fin mars 2009, auprès du Ministère de la Santé et des Sports une demande de moratoire sur cette pratique 2. Le Ministère a chargé la commission spécialisée Sécurité des patients du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) d’évaluer les risques éventuels liés à cette technique, qui est encore utilisée en France dans le traitement de certains troubles graves du comportement, notamment chez les enfants autistes.

En mars 2010, après avoir procédé à une série d’auditions 3, le HCSP a rendu public son avis sur son site Internet. La commission ne se prononce pas sur la pertinence et les aspects éthiques de cette pratique mais plutôt sur les modes de son utilisation. Sa conclusion ne porte que sur « la nature et les niveaux d’exposition aux risques physiques et psychologiques connus à ce jour » et « les conditions de sécurité de la réalisation des enveloppements humides », non sur leurs indications, ni sur les aspects éthiques, tels que celui de la maltraitance. Elle estime que le packing est une « pratique rare, généralement réservée à des cas gravissimes, le plus souvent en dernier recours », notamment en cas d’agressivité contre soi et contre les autres et d’agitation extrême.

Le packing, ne présentant pas de « risques notables identifiés à ce jour », pourra continuer à être utilisé en tant que traitement de l’autisme dans des conditions de sécurité satisfaisantes et par des professionnels spécifiquement formés. Cependant, il est clairement dit dans le rapport du HCSP « que le premier risque psychologique est la crise d’angoisse ou l’attaque de panique au moment de la séance. Certains enfants peuvent ressentir, surtout en début de traitement, des angoisses dites “d’étouffement”, véritablement claustrophobiques. L’observation du tonus, du regard, du comportement, la prise de pouls, doit permettre de les déceler. » Sachant qu’un enfant autiste est particulièrement sensible à l’environnement extérieur, comment est-il possible de sous-estimer les risques psychologiques du packing au point de dire qu’il n’y a pas de risques notables identifiés à ce jour ?

Consterné, M’Hammed Sajidi souligne : « Les enfants atteints d’autisme sont hospitalisés pour recevoir un traitement contre l’autisme. […]. Les autorités sanitaires ont le devoir de n’appliquer comme traitement que ce qui a été avéré scientifiquement ».

Et c’est justement là où le bât blesse. Le rapport du HCSP le dit froidement lui-même : le packing est un « traitement dont la connaissance ne repose jusqu’à présent que sur des constatations empiriques ». En effet, cette technique n’a jamais été scientifiquement évaluée. Elle est fondée uniquement sur les convictions de ses utilisateurs, pédopsychiatres-psychanalystes. Selon le professeur Delion, « il a été très souvent vérifié que le traitement neuroleptique pouvait être notablement diminué pendant et au décours des séances de packing  ». « Très souvent vérifié » de façon empirique par les utilisateurs de cette technique, mais jamais par des études scientifiques.

Dans une lettre adressée le 20 avril 2010 à Roselyne Bachelot, ministre de la santé, l’association de parents Léa pour Samy écrit que, non seulement ses demandes n’ont pas été prises en compte mais que, « pire encore, elles ont été détournées pour aboutir à une validation administrative via l’avis du HSCP », afin de « se plier aux pressions du corporatisme médical, notamment du corps psychiatrique d’obédience psychanalytique. » L’association Léa pour Samy maintient son moratoire et s’apprête à mener des actions sur le terrain.

Je termine cet article par la citation des propos de Bernard Golse, pédopsychiatre-psychanalyste, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants-Malades à Paris, dans un article de Libération du 27 avril 2010, intitulé « Et si l’État se mêlait de ses affaires ». Il répondait à une déclaration, dans Le Monde du 2 avril, de Nadine Morano, secrétaire d’Etat à la famille, qui exprimait sa volonté d’encourager les « méthodes comportementalistes » dans le traitement de l’autisme, à la veille de la journée mondiale de sensibilisation à cette maladie :
« Que nos gouvernants prennent donc garde de ne pas emboîter inconsidérément le pas à un nouveau fanatisme avide de réduire l’autisme à sa seule part organique au sein d’une pensée nosologique molle, seulement à même de faire le miel d’officines comportementales, parfois plus ou moins douteuses. »

Ce qui est toutefois encourageant, c’est que nombre de lecteurs, parents d’enfants autistes mais aussi citoyens concernés, ont utilisé la possibilité que leur offrait le journal pour exprimer leur avis. C’est ainsi que l’un d’entre eux a écrit :
« L’une des rares fois où, en France, “l’État”, comme vous dites, s’est mêlé de prendre position sur un problème scientifique, ce fut lorsque le ministre de la Santé Douste-Blazy céda à la pression de supporters de la psychanalyse en retirant du site internet de son ministère le rapport de l’INSERM sur l’évaluation des psychothérapies (commandé par ses propres services à la demande d’associations de patients !), rapport très défavorable à la psychanalyse.

Vous ne pouvez pas ignorer, M. le Professeur, qu’il en fit l’annonce lors d’un “forum psy” lacanien tenu le 5 février 2005 à la Mutualité ; son allocution commençait par : “Cher Jacques-Alain Miller, cher Bernard-Henri Levy, chère Catherine Clément” : trois personnes qui n’ont jamais vu un patient de leur vie (c’est pourquoi je parle de supporters de la psychanalyse, plutôt que de psychanalystes).

Où étiez-vous ce jour-là, M. Golse ? Si ça se trouve, vous étiez parmi les 1200 fans qui formaient le public. Et vous avez participé à la standing ovation que celui-ci fit au ministre parce qu’il jetait à la poubelle le travail scientifique le plus conséquent sur l’efficacité des psychothérapies au prétexte qu’il était défavorable à la psychanalyse. Attitude qui continue d’entraver dans notre pays le mouvement normal d’acquisition de nouvelles connaissances savantes ou vulgarisées.

Et vous venez aujourd’hui pleurnicher parce qu’enfin, “l’État” va peut-être prendre ses responsabilités ? Qui peut encore vous prendre au sérieux ? »

Un autre parent, s’adressant à Bernard Golse, a exprimé avec force sa conviction :
« […] dites-vous bien que nous ne baisserons pas la pression auprès du gouvernement pour que la France, dans le domaine de l’autisme, ne reste pas enfermée dans le linge glacé dans lequel vous essayez de la maintenir. »

Conclusion extraite de l’avis rendu par le HCSP 4

« En conclusion, compte tenu de l’absence de risques notables identifiés à ce jour, le Haut Conseil de la santé publique considère que la réalisation du packing ne présente pas de risques qui justifieraient son interdiction. Cependant, l’existence de risques psychiques n’est pas exclue et doit être prise en compte dans l’analyse bénéfice-risque de cette méthode de prise en charge, au même titre que toutes les autres méthodes de prise en charge, médicamenteuse ou non, de l’autisme.
Le Haut Conseil de la santé publique signale que ces recommandations doivent être intégrées dans une démarche rationnelle et scientifique visant à statuer sur la place de cette pratique dans la prise en charge complexe des enfants autistes.

De plus, le Haut Conseil de la santé publique préconise :
 une poursuite des travaux de recherche de nature neurophysiologique et clinique pour mettre en évidence les effets bénéfiques éventuels et la balance bénéfices-risques de ce traitement dont la connaissance ne repose jusqu’à présent que sur des constatations empiriques. À ce titre, la mise en œuvre du projet de recherche financé par le PHRC et dirigé par le Dr Goeb est utile et attendue ;
 une traçabilité locale des événements indésirables associés à la pratique du packing afin de permettre de dénombrer et de documenter ces événements dans le futur. »

PHRC : Programme Hospitalier de Recherches Cliniques

1 Explication de cette technique : voir notre article Le « packing », la camisole glacée des enfants autistes.

2 Sur le site de Léa pour Samy, le moratoire contre le packing : Stop à la camisole glacée http://www.leapoursamy.com/PETITION_MORATOIRE/petition/firma.asp (indisponible—8 avril 2020).

4 Sur le site du HCSP, l’avis et le rapport :
 Avis relatif aux risques associés à la pratique du packing pour les patients mineurs atteints de troubles envahissants du développement sévères
 Risques associés à la pratique du packing pour les patients mineurs atteints de troubles envahissants du développement sévères. Rapport de synthèse d’experts


Publié dans le n° 292 de la revue


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L' auteur

Brigitte Axelrad

Professeur honoraire de philosophie et psychosociologie. Membre du comité de rédaction de Science et (...)

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Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) résultent d’anomalies du neurodéveloppement. Ils se manifestent par des altérations dans la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer, ainsi que par des anomalies comportementales. Malgré la diversité des troubles et les capacités d’insertion sociale très variables de ces personnes, l’autisme est reconnu comme un handicap en France depuis 1996.
Source : Inserm

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