Accueil / Dans les médias / Un medium... des media ?

Un medium... des media ?

Publié en ligne le 17 février 2010 - Ondes électromagnétiques -
par Sylvie et Vincent Laget - SPS n° 289, janvier 2010

Vaccin contre la grippe et homéopathie

Un de nos lecteurs, Jean-Jacques Hautefeuille, nous a transmis deux intéressantes brèves, non signées, parues le 22 septembre dans la République du Centre. La première concerne le vaccin contre la grippe A H1N1 et intitulée « Mise en garde ». Elle rend compte de la prise de position du syndicat national des infirmiers, qui s’inquiète des risques « d’un vaccin développé trop rapide-ment, et d’un adjuvant qui pourrait déclencher des réactions immunitaires excessives. »

La seconde, titrée « Des produits naturels », fait la promotion de l’homéopathie, de la phytothérapie et de la diffusion d’huiles essentielles. En particulier, un éloge appuyé de l’Oscillococcinum : « l’homéopathie permet de mieux résister au virus de la grippe. Sans effet secondaire ni contre-indication. Un traitement comme l’Oscillococcinum diminuerait de moitié le risque d’attraper la grippe saisonnière, à raison d’une dose par semaine de mi-octobre à mi-février. » Côté huiles essentielles, elle recommande celles de pin, d’eucalyptus, d’orange douce, tea tree et ravintsara « à diffuser dans l’air pour l’assainir. »

C’est là que nous pouvons poser une question, sans malice, face à la curieuse logique du journaliste qui a écrit ces deux brèves. D’un côté, le journaliste met en garde contre un développement trop rapide du vaccin ne permettant pas les tests suffisants. De l’autre, il fait la promotion d’un pro-duit homéopathique qui, comme tout produit de cette catégorie, est dis-pensé de faire la preuve de son efficacité pour être mis sur le marché… D’un côté, il s’inquiète de la présence d’un adjuvant pouvant induire des effets allergiques dans un vaccin, de l’autre, il trouve normal de diffuser dans l’air ambiant des huiles essentielles, véritables cocktails de substances, certes naturelles, mais néanmoins bien chimiques. Ne devrait-il pas avoir, au minimum, tout autant d’incertitudes à chaque fois ?

Elles ne fonctionnent pas mais elles vous nuisent déjà…

Début septembre, est paru un très intéressant article du Canard Enchaîné au sujet des antennes-relais de téléphonie mobile. Il épingle quelques confrères et pas des moindres puisque se trouvent dans le lot France 2 et France 5 (pour un reportage diffusé dans l’émission la bien-nommée « Revu et Corrigé » de Paul Amar) ou encore Le journal du Dimanche, Le Parisien et Le Républicain Lorrain (voir également Science et pseudo-sciences, n° 288, octobre 2009). Ils ont en commun d’avoir interviewé des riverains d’antennes-relais et d’avoir tous rapporté des nuisances subies à proximité de ces équipements, allant d’un ressenti de « goût métallique » jusqu’au « saignement de nez » en passant par un « mal au crâne ». Rien de bien nouveau par rapport à la plupart des articles parus depuis quelque temps sur le sujet. Et bien si, un léger détail : aucune des antennes-relais incriminées n’a encore été mise en fonctionnement. Autrement dit, aucune n’a encore eu l’occasion d’émettre la moindre petite onde !

La plupart d’entre eux n’ont pas jugé opportun de rapporter ce nouvel élément, qui change tout, à la connaissance de leur public…

Références :
Le Canard Enchaîné,
Les victimes de l’antenne n’étaient pas au courant, mercredi 2 septembre 2009.
Challenges, Téléphonie mobile : légende urbaine à Saint-Cloud, Gaëlle Macke. Science et Pseudo-sciences, Le sensationnel contre l’information, n° 289, octobre 2009.

…et momifient les cochonnets !

Comme le fait remarquer le Canard Enchaîné, si avant même d’être actives, les antennes-relais donnent déjà mal au crâne, on n’ose imaginer les dégâts qu’elles peuvent causer lorsqu’elles sont en fonctionnement !

C’est pourtant ce à quoi s’est essayé Yann Le Gall dans Le Télégramme de Brest. Il nous rapporte, en effet, des événements pour le moins inquiétants survenus dans des élevages à proximité d’antennes-relais de téléphonie mobile. Des génisses meurent en vêlant, et leurs veaux sont morts-nés. Mais le pompon revient à une exploitation de Pouldergat, près de Douarnenez : « Les vaches devenaient subitement folles. Incontrôlables. Certaines creusaient des trous dans la pâture et s’y terraient. Impossible de les enlever. Les trois quarts des petits crevaient sur place. Dans la porcherie, les soixante-dix truies n’avaient plus de grossesse ou elles accouchaient de petits comme momifiés  ».

Pourquoi douter de la cause attribuée à ces phénomènes ? Tout simple-ment parce qu’en jetant un œil sur cartoradio, le site qui répertorie sur l’ensemble du territoire les antennes-relais de téléphonie mobile, il est aisé de constater qu’aucune ne se trouve sur la commune de Pouldergat !

Donc pour résumer, si l’on en croit certains media : quand les antennes-relais ne sont pas branchées, elles donnent mal au crâne, et quand elles n’existent pas encore, elles momifient les cochonnets… Oui vraiment, il y a de quoi se méfier ! Reste à savoir de quoi, ou de qui : des antennes-relais ou des journalistes pressés ou en mal de sensationnel…

Nous avons demandé au journaliste du Télégramme comment il pouvait expliquer qu’une antenne-relais inconnue sur cartoradio pouvait momifier des cochonnets dans l’exploitation de Pouldergat. Voici sa réponse :

« Il s’agit d’une antenne située à 5 km de [l’exploitation], installée sur la commune limitrophe de Le Juch. » Ce à quoi il ajoute l’ébauche d’explication suivante : « Il faut croire que le sous-sol de [l’] exploitation est exceptionnellement conducteur d’ondes. »

Sans commentaire !

Références :
Le Télégramme-Finistère,
« Elevages. Hécatombes au pied des antennes », Yann Le Gall, 15 septembre 2009.
Cartoradio

Mais heureusement ! il y a les galettes bretonnes

Dans le même article nous apprenons que tous ces désagréments ne sont que de mauvais souvenirs grâce à l’intervention efficace d’un… radiesthésiste !

Un spécialiste du pendule a en effet résolu le problème des exploitants en posant « des petites plaquettes, à des points précis ». En fait de plaquettes, il semble que ce soit plutôt des galettes d’un mélange de silice et de plantes originaires d’Amazonie, le tout enfermé dans de la résine. C’est en tout cas ce qui est expliqué dans un second article tout entier consacré à Jean Uguen, le radiesthésiste.

Bien évidemment, ce radiesthésiste nous affirme obtenir des résultats étonnants. Mais Jean Uguen peut faire beaucoup mieux : il peut constater les améliorations à distance, à l’aide d’une carte et d’un pendule ! Et désintéressé. Enfin au moins au début de ce nouvel article, lorsque l’on nous assure que « ses interventions enrichissent simplement son expérience ». Parce plus loin, nous apprenons qu’une intervention à Ergué-Gabéric, à la demande de Bouygues Telecom, a été facturée 800 € !

Ainsi, face à des phénomènes inquiétants, il semblerait qu’une certaine presse n’hésite pas à promouvoir des solutions magiques dignes d’un épisode de X-Files. Alors, aucun doute à avoir : la vérité est ailleurs !

Les explications (embarrassées) de Bouygues Telecom…

Nous avons demandé à Bouygues Télécom ce qu’il en était de la réalité et du paiement de la prestation. La direction Fréquences et Protection de l’opérateur nous a répondu « [qu’il] n’est pas impossible que ces intervenants obtiennent des résultats dès lors qu’ils agissent sur des craintes non rationnelles. Malheureusement, sur votre question précise, nous ne sommes, à notre niveau, en mesure ni de confirmer ni d’infirmer une information de cette nature. »

Un radiesthésiste, des galettes géobiologiques d’un côté, l’expertise scientifique de l’autre : il faut choisir. Accepter la pseudo-science, les radiesthésistes et autres druides, c’est jeter le doute sur l’approche scientifique et sérieuse que revendique l’opérateur de téléphonie.

Référence
Le Télégramme – Finistère.
Une drôle de galette qui indispose la Science, Yann Le Gall, 15 septembre 2009.

Vous aussi, réagissez… et faites-le nous savoir

Rien ne nous oblige à subir l’information, surtout lorsque nous entendons des journalistes, dont le métier devrait être de vérifier l’information, se faire l’écho ou le relais de toutes sortes de sornettes. Lorsque vous lisez des contre-vérités dans un article de presse, vous êtes en droit d’interpeller l’auteur.

Mais, pour que cela soit efficace, mieux vaut procéder par un questionnement ouvert plutôt que par une affirmation qui pourrait être perçue comme péremptoire. Demandez les références scientifiques à l’appui de telle affirmation, interrogez le journaliste sur pourquoi des experts du sujets ne sont pas interrogés, rappelez, par exemple, les avis des agences scientifiques, et demandez pourquoi ils ne sont pas mentionnés, etc. Et surtout, faites-nous part de vos échanges… ils peuvent intéresser tous nos lecteurs.

Également, envoyez-nous les extraits de presse qui méritent, selon vous, d’être mentionnés ici, tel celui-ci, cité par Sylvie Gasquet dans son ouvrage Plus vite que son nombre (Le Seuil, 1999), et extrait de l’Événement du Jeudi n° 446, mai 1993 :

« Un quart des cadres épousent des cadresses de la même eau. Mais poussons du côté de ces dames : elles sont plus de 50 % à épouser leurs égaux socialement parlant. Où trouvent-elles donc le quart manquant ? À moins qu’eux en épousent deux. Successivement donc. Mais si je me trompe, vous me le dîtes, parce que l’INSEE, elle, motus. Mystère et statistiques. »

Très mystérieux tout ça… sauf peut-être à considérer qu’il y a 2 fois plus de cadres hommes que de cadres femmes !

Contact : Sylvie et Vincent Laget.