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Effet Kirlian...

Publié en ligne le 10 juillet 2004 - Pseudo-sciences -
La pseudo-science prospère en Russie. Certaines de ses productions sont exportées. Un pouvoir assoiffé de devises ne peut que les favoriser. Mais on se tromperait en imaginant que rien de pareil n’existait dans l’ex-URSS. Simplement, la philosophie officielle, fille dégénérée du matérialisme marxiste, obligeait les fervents et les marchands de paranormal à déguiser leurs créations. L’aura qui entourerait tout objet et surtout les objets vivants en est un bel exemple. Elle est invisible, sauf pour les médiums, si on a le droit de croire au pouvoir des médiums. Sinon, on peut recourir à un appareil spécial, la photographie de Kirlian.

Contrairement à ce qu’on a pu lire récemment dans un magazine, cette invention est bien antérieure à la chute du régime stalinien. Nous l’avons relatée dans notre numéro 118-119 (mars 1982). Résumons. Peu avant la deuxième guerre mondiale, un électricien d’Arménie soviétique, Sémion Kirlian, qui réparait un appareil d’électricité médicale, voit jaillir des étincelles entre sa main et une électrode enrobée de verre. Intéressé par le phénomène, il a l’idée de le photographier. Le premier essai se solde par quelques brûlures, mais donne une image surprenante : la main apparaît entourée d’une frange lumineuse. Avec sa femme Valentina, Kirlian perfectionne sa technique et se livre à une série d’expériences sur des objets vivants ou inanimés. Il arrive à la conclusion que son procédé peut être utilisé pour diagnostiquer des maladies ou étudier les propriétés électriques et physiologiques d’organismes vivants. L’Académie des sciences d’URSS s’intéresse à ses travaux. Un article, traduit aux Etats-Unis par l’U.S. Air Force, reste inaperçu jusqu’à ce qu’en 1970 deux journalistes américains (dans un ouvrage plus tard traduit en français) présentent la technique de Kirlian comme révélant une aura. Un champ bioénergétique humain dont l’existence serait liée aux phénomènes parapsychologiques.

L’affaire est reprise et amplifiée par les média. De belles photographies en couleur montrent les variations de forme et d’aspect de l’aura à l’extrémité des doigts d’un sujet durant diverses phases de méditation ou sous l’effet de la douleur. Les photographies de Kirlian ne servent pas seulement, écrit-on, à diagnostiquer divers troubles, dont le cancer, avec une fiabilité supérieure à celle des méthodes médicales classiques ; elles permettent aussi d’observer le transfert de l’énergie vitale du corps du guérisseur à celui du patient. Stanley Krippner et quelques autres « psychotroniciens » célèbrent la mise en évidence, par des techniques de laboratoire, de l’énergie mystérieuse que posséderait tout être humain. Des parapsychologues assimilent l’aura de Kirlian au corps astral ou éthérique qui, selon les spirites et les occultistes, serait associé à notre corps physique.

Aux États-Unis, des industriels avisés ne tardent pas à offrir au public des détecteurs à effet Kirlian, vendus en kit à des prix descendant jusqu’à cinq dollars. Chacun peut obtenir une image de son aura en plaçant son doigt sur un film photographique séparé par une couche isolante d’une électrode plate reliée à un générateur de courant à haute tension de faible ampérage. La différence de potentiel entre l’électrode et la pointe du doigt, à travers l’isolant, engendre le phénomène connu sous le nom d’effet de couronne : des radiations lumineuses (dans le bleu-violet et l’ultraviolet) apparaissent dans l’air ionisé et impressionnent la plaque photographique. l’ionisation entraîne aussi la formation d’ozone, d’acide nitrique (par oxydation de l’azote atmosphérique en présence de vapeur d’eau) et d’autres composés en proportion moindre, qui exercent une action chimique sur l’émulsion sensible et sur l’électrode elle-même.

Les images de Kirlian résultent donc d’un ensemble de phénomènes où l’effet couronne tient le rôle principal.

Les variations effectivement observées dans le halo lumineux de l’effet Kirlian sont en parité liées aux variations de la résistivité électrique des couches d’air qui entourent le tissu vivant. Cette résistivité diminue lorsque l’humidité augmente. L’humidité joue aussi dans la formation des composés chimiques. Les moindres changements dans la transpiration affectent donc le halo. D’autres phénomènes physiologiques peuvent aussi intervenir, en dehors de tout processus « paranormal ».

Dans son ouvrage Le Paranormal, Henri Broch donne de savoureux détails sur l’essor médiatique des « photographies de Kirlian ». Elles ne servent pas seulement, a-t-on osé écrire, à diagnostiquer le cancer avec une fiabilité supérieure à celle des méthodes classiques. Elles permettent aussi d’observer le transfert de l’énergie vitale du corps du guérisseur à celui du patient. Selon une psychologue de l’université de Californie, l’image peut changer de façon dramatique lors des altérations physiques ou mentales, par exemple quand. on a bu un coup de trop.

Bien qu’un peu moisie, la tarte à la crème de l’effet Kirlian revient de temps à autre dans les magazines du paranormal, quand ils manquent de quoi se mettre sous la dent. Mais voici du nouveau sur un sujet qu’on pouvait croire usé. Nous le devons au Chasseur d’Images, une revue des professionnels de la photo (n° 163, mai 1994), dirigée par Ronan Loaëc. Avec toute son équipe, il s’est livré, dans le studio de la revue, à une expérience aussi convaincante que pleine d’humour. Et comme Ronan Loaëc est un ami de nos Cahiers, et de toutes les publications sceptiques ou zététiques, c’est avec un empressement qui nous va droit au cœur qu’il nous autorise à reproduire son article, texte et images. le voici donc, presque in extenso. Précisons qu’en étudiant attentivement certaines auras, on aurait découvert « des relations tendues » entre les éléments féminins et masculins du groupe de volontaires. Il se trouve par ailleurs que l’un d’eux, un certain Denis, est complètement dépourvu d’aura. Ce qui inquiète Ronan. Ne s’agirait-il pas d’un extraterrestre ? « La vigilance s’impose » conclut-il.

Michel Rouzé



Effet Kirlian

Mon aura est plus grosse que la tienne !

L’effet Kirlian nous vaut, bon an mal an, un message angoissé mensuel sur Photim : comment visualiser son « aura vitale » ? Où se procurer un appareil Kirlian pour soigner son « état métapsychique » après un dîner trop arrosé ? Comment mesurer « l’élan vital » de son rhododendron ou de son yucca préféré ?.

La crédulité humaine ne connaissant manifestement pas de borne, l’automédication par « effet Kirlian » étant moins dangereuse pour la santé, l’équilibre mental et celui du portefeuille que le recours aux gourous, astrologues et autres faiseurs de miracles, nous avions jusqu’à présent pris le parti d’en sourire.

Aujourd’hui, nous avons pu nous procurer une « machine Kirlian » et procéder à ces essais : pas de doute... les images obtenues sont jolies et originales, ce qui justifie le (modeste) investissement. Mais, pour ce qui est de l’autodiagnostic, passez donc plutôt voir votre toubib habituel si vous couvez un rhume ou une grosse déprime !

Le hasard nous a mis en présence d’une vieille machine Kirlian à titre de curiosité durant la Photokina de Cologne vers la fin des années soixante-dix. On était naïfs, en ce temps-là ! Tandis qu’aujourd’hui... Chacun peut le constater en ouvrant un magazine féminin ou en allumant sa radio ou sa télé à l’heure du « prime-time », plus personne ne se laisse prendre aux ruses grossières des astrologues et autres marchands de croix du bonheur et talismans en tout genre !

Dûment désossé, l’objet laisse apparaître dans toute sa crudité la simplicité de sa conception : un oscillateur haute fréquence alimentant une bobine d’où « sort » une tension très élevée mais d’intensité extrêmement faible (tension de l’ordre de 20 à 60.000 volts pour une intensité de l’ordre du microampère et des fréquences comprises entre 60 et 80 kHz).

C’est tout ? C’est tout, rompez les rangs ! Du reste, un dessin valant mieux qu’un long discours, nous vous invitons à une rapide visite guidée des entrailles de notre « Verograph », d’origine hollandaise. Dont le plus grand mérite est de nous avoir permis d’obtenir d’excellentes photos « Kirlian » en toute sécurité, grâce à des précautions d’isolation draconiennes (les Bataves ne badinent pas avec les normes électriques) ! Cela pour rappeler simplement que l’alimentation secteur (le 220 volts qui aboutit à l’interrupteur et aux circuits) est une chose dangereuse et qu’il ne faut pas jouer avec le feu.

En revanche, côté utilisation, les très hautes tensions disponibles sont sans danger en raison des intensités particulièrement faibles mises en jeu. Et cela même si, comme nous allons le voir, elles provoquent des « gouzi-gouzi » et autres frétillements pas toujours agréables !

Dernière précision avant d’entrer dans le vif du sujet : ne nous écrivez pas pour savoir où acheter l’engin. L’entreprise qui le commercialisait en ces temps reculés (Aura-Electronics) n’existe probablement plus et nous n’avons pas connaissance de fabrications plus récentes. En revanche, rien ne vous empêche de mettre à profit vos talents de bricoleur pour réaliser une version personnelle. Il vous faut fabriquer un oscillateur haute fréquence et un système permettant d’élever la tension à la valeur recherchée.

Notre suggestion : une bobine d’automobile ou un système moderne d’allumage électronique, qui peuvent constituer une excellente base de travail. Ou encore, l’alimentation THT d’un tube de télévision. Mais ne nous demandez pas un schéma électronique plus détaillé que celui que nous publions, qui se borne à exposer les principes mis en jeu, à l’exclusion du câblage et des valeurs de composants.

Et gardez présentes à l’esprit les nécessités de la sécurité électrique. En particulier le découplage total avec l’alimentation secteur et la mise à la terre (un tel appareil doit être utilisé exclusivement sur une prise 10-15 A munie d’une borne de terre). Cette mise à la terre va du reste se révéler indispensable à la réalisation de belles images avec certains sujets : alors, autant la prévoir tout de suite.

Effet Kirlian ou feux de Saint-Elme ?

L’effet Kirlian (du nom de son « génial découvreur »), un électricien soviétique (voir p. 68) n’est que l’une des très nombreuses manifestations de l’effet de couronne, émission lumineuse par décharge d’électricité dans un gaz (air, en ce qui nous concerne) sous un potentiel très élevé. Ce phénomène est basé sur l’ionisation des atomes du gaz par une avalanche d’électrons libres entre deux éléments placés à des potentiels très différents : l’objet, relié à la terre, est au potentiel zéro ; la plaque sur laquelle il est posé, simplement isolé par une mince feuille de plastique ou une lame de verre à est, elle, un potentiel de plusieurs milliers de volts. Tout comme dans le phénomène de la foudre, un arc électrique va s’amorcer, ionisant l’air sur son passage et produisant une émission lumineuse.

On assiste à ce que les marins appelaient naguère les « feux de Saint-Elme ». C’est l’effet de pointe, les décharges ionisantes se produisant de préférence à l’extrémité des pointes des mâts de navires. Il en va de même avec l’orage, les éclairs « tombant » préférentiellement sur les objets érigés : clochers, arbres, pylônes, etc. D’où le rôle préventif du paratonnerre qui sert à guider la foudre vers un conducteur relié à la terre par lequel les charges électriques pourront s’écouler sans provoquer de dégâts.

Dans le cas de l’effet Kirlian, l’arc va ainsi s’amorcer préférentiellement sur les défauts de surface (micro-cratères, micro-pointes) des objets métalliques tout comme des éléments vivants (pores de la peau, de surcroît humides, poils des feuilles, etc.). Cela explique que l’on obtienne toujours à peu près les mêmes images avec des objets métalliques (ciseaux, couteaux, clés, etc.) tandis que le vivant procure des images variant en fonction de la position des objets (distance entre chaque partie d’une feuille et le papier photo, par exemple) et de leur état : une feuille fraîchement coupée, humide, donne naissance à une « aura » lumineuse importante qui aura presque disparu le lendemain lorsque la feuille aura séché.

La « prise de vue » Kirlian

Avertissons immédiatement les âmes sensibles : se photographier « l’aura » de la main n’est pas indolore. En fait ; on enregistre une multitude de micro-aigrettes mouvantes qui naissent entre les irrégularités de surface de la peau et la plaque, portée à un potentiel très élevé et sur laquelle elle est posée. La « machine Kirlian » que nous avons dénichée et qui nous a servi pour nos « tests » provoque des picotements qui peuvent aller de simplement désagréables à franchement insupportables, provoquant un réflexe incoercible de rétraction.

Tout dépend évidemment du degré d’humidité de la peau, et donc de l’état général (température corporelle, température ambiante, effort ou repos avant la « prise de vue », etc.) : une main moite se verra agrémentée d’une « aura » beaucoup plus forte qu’une main sèche, sans que le phénomène ne soit reproductible, ni qu’il soit possible d’en attribuer la forme ou la couleur à l’état général de l’expérimentateur : jogging ou grippe, qui le saura à la simple vue de l’aura ?

Du reste, avec un même sujet, on peut faire varier l’aura dans des proportions importantes en reliant simplement son poignet à la terre, par un bracelet ad hoc. On trouve de semblables bracelets dans toutes les boutiques de kits électroniques : ils sont utilisés pour se débarrasser des charges d’électricité statique avant de manipuler des composants sensibles tels que les mémoires ou les micro-processeurs C-MOS.

Cette « mise à la terre » est indispensable dans le cas d’un objet de faible volume ou sec : clé, feuille morte, dont l’aura demeure des plus modestes sans cela. Une simple liaison à la terre à l’aide d’une pince crocodile et d’un fil leur redonne soudain « vie » : comme on le voit, il n’y a pas de miracle !

Il suffit alors de placer, dans l’obscurité évidemment, une feuille photosensible entre la plaque et l’objet « photographié ». Puis d’activer le fonctionnement du générateur haute tension pendant une durée variable, fonction de l’objet et de l’état de son « aura », bien visible sous forme d’une lueur bleuâtre mobile, pulsante (l’expérience des différents types de sujets et de surfaces sensibles est seule à même de guider l’opérateur).

On utilisera avec profit, outre les papiers noir et blanc (les plus faciles, car s’accommodant d’un éclairage de sécurité), les papiers couleurs négatifs et, surtout, autopositifs (ilfochrome notamment) ainsi que les films Polaroid, très pratiques car ne nécessitant aucune chimie. Ces derniers, après avoir été extraits de leur cartouche pour exposition sur l’instrument de torture Kirlian, devront être soigneusement remisés dans la cartouche d’origine. Puis éjectés et laminés par un simple déclenchement (ne pas oublier de boucher l’objectif de prise de vue, sous peine de voir des ectoplasmes médiumnico-métapsychiques se superposer à l’aura originelle) ! II suffit alors d’attendre les deux ou trois minutes réglementaires de développement total pour disposer de superbes auras en couleurs, sans labo ni produits chimiques.

Ce sont là quelques-unes des techniques utilisées pour les images de ce dossier qui, nous l’espérons, feront avancer d’un pas décisif la parapsychologie (vers le gouffre devant lequel elle stationne depuis trop longtemps...).

Alors, l’aura ?

Vous l’aurez deviné à notre ton légèrement caustique : nous n’accordons aucun crédit aux balivernes et autres coquecigrues dont nous abreuvent les médias (presse, radio, télévision « populaires », c’est-à-dire stricto sensu « prenant le peuple pour un ramassis de gogos et de vaches à lait3...). Fluide vital, bioplasma ou bioénergie, des mots que tout cela, du vent, un rideau de fumée pour dissimuler le vide des concepts !

La réalité est beaucoup plus simple... et tout aussi poétique, car l’explication scientifique, rationnelle, est elle-même porteuse de rêve, d’imaginaire et, donc, de poésie : ce que vous visualisez sur le papier ou le film photographique, c’est tout simplement la multitude d’aigrettes lumineuses provoquée par ionisation de l’air. Cette ionisation relève de la même explication que la foudre, les aigrettes qui courent parfois sur les pylônes électriques ou les... feux de Saint-Elme : simple avalanche d’électrons provoquée par la différence de potentiel entre la plaque chargée à très haute tension et l’objet visualisé, main, feuille, ciseaux, clé, etc.

Imaginez un instant cette multitude d’électrons libres à la surface de la plaque chargée, cherchant désespérément un chemin préférentiel pour bondir jusqu’à votre main et trouvant soudain un pore (sic) accueillant et humide : le flux d’électrons génère un plasma ionisé, une flammèche bleuâtre jaillit et se tortille.

Un grésillement, plutôt impressionnant la première fois, une lueur bleuâtre (le plasma créé par l’arc électrique produit une lumière de température de couleur très élevée, riche en rayonnements ultraviolets et bleus) et le film photographique enregistre cette image fugace, éphémère, que rien ne pourra jamais reproduire à l’identique !

En effet, la forme, l’intensité, la position des aigrettes dépend d’une telle quantité de facteurs aléatoires que l’on peut véritablement parler de hasard. Citons notamment, sans prétendre être exhaustif : température, pression de la main sur le papier, humidité de l’air et de la peau, cette dernière variant fortement en fonction de l’état de santé et d’émotivité de l’individu, sans qu’on puisse découvrir la moindre corrélation entre l’intensité et la forme de la couronne et l’état psychique ou physique du « cobaye ». Encore moins, bien sûr, y voir un quelconque signe d’une maladie répertoriée, à l’instar d’un scanner ou d’une IRM du pauvre !

Il serait tout aussi va i n d’y chercher l’image de l’énergie psychique. Surtout celle d’une plante (encore que je connais un ficus à côté duquel certains humains ne sont que légumes...). Et ne parlons pas de la matérialisation du « corps astral » : bien que de même origine ethnique qu’Allan Kardec, l’auteur de cet article entend bien préciser que « toute ressemblance avec son lointain cousin à la mode de Bretagne ne pourrait être que le fruit du hasard »,

La volonté de croire « en autre chose », un ailleurs, un au-dessus, une dimension parallèle, une éternité sous quelque forme que ce soit est plus forte que tout : il est à peu près impossible, en tout cas très difficile, d’admettre simplement que notre destinée s’arrête « hic et nunc » !.

Du moins, que le besoin de transcendance ne nous conduise pas à prendre pour argent comptant la première chimère venue, à adorer sans esprit critique les charmes faisandés d’un spiritualisme (spiritisme ?) de bas étage qui nous livre, corps et, surtout, biens, aux griffes des vautours du paranormal !