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11-Septembre - L’énigme de la "chip" mystérieuse résolue… c’était bien de la peinture !

Publié en ligne le 17 janvier 2012 - Attentats du 11 septembre -

Depuis maintenant plusieurs années (2007 exactement), Steven E. Jones, un physicien américain considéré comme un des leaders du 911 Truth Movement aux États-Unis, parcours le monde en affirmant posséder des preuves du piégeage des tours du World Trace Center par des matériaux incendiaires ou explosifs de dernière génération, connus des seuls militaires et à base de nanothermite 1.

Ses preuves résideraient dans l’extraction des poussières du WTC de ce qu’il a appelé des “chips”, de petites écailles comportant deux couches, une grise, l’autre rougeâtre. Pour lui, la couche rouge serait de la nanothermite n’ayant pas réagi.

Avec huit autres coauteurs il est parvenu à publier un article dans une revue de l’éditeur Bentha 2 – supposée posséder un comité de lecture – explicitant différents tests et analyses censés prouver ses allégations.

Très vite, les faiblesses de la démonstration ont été soulignées. Deux spécialistes en matériaux énergétiques et explosifs ont ainsi pointé les insuffisances du dit article (méthodes, interprétations, conclusions), dans le numéro hors série de Science… et pseudo-sciences consacré aux rumeurs sur le 11-Septembre.

Il restait néanmoins une énigme : d’où pouvaient bien provenir ces écailles que l’on trouvait systématiquement dans les échantillons de poussière prélevés autour des décombres ?

Première intuition…

Dans l’article publié chez Bentham, les auteurs mettaient en avant deux types de “chips” présentant des couches rouges assez différentes. Nous appellerons ces deux types de couches rouges RedChips-A et RedChips-B.

Après analyse, les RC-A contenaient essentiellement carbone, oxygène, fer, aluminium et silicium. Selon les auteurs, c’étaient celles que l’on trouvait le plus fréquemment dans les échantillons.

Les RC-B, moins abondantes mais extraites à plusieurs reprises, contenaient en plus du zinc, du chrome, du calcium et du soufre.

Vu les éléments présents, mais surtout la forme caractéristique de leurs cristaux révélée par agrandissement au MEB 3, il était assez vraisemblable que ces écailles ne soient en réalité que de la simple peinture anticorrosion, classiquement appliquée pour protéger l’acier.

Image de la construction des tours jumelles (source NIST).

Deux composés étaient même fortement soupçonnés d’être utilisés dans le cas des RC-A 4 : l’oxyde ferrique (Fe2O3, sous forme de grains d’environ 100 nanomètres de diamètre et donnant la couleur rougeâtre à l’échantillon) et la kaolinite (Al2Si2O5(OH)4, sous forme de plaquettes polygonales, pour ses propriétés anticorrosion).

A gauche une ’chip’ présentée par Jones comme étant de la nanothermite, à droite un poteau du WTC analysé par le NIST.
Sur les images au MEB fournies dans l’article de Niels Harrit et Steven Jones pour les RC-A, on distingue clairement ce qu’on pouvait soupçonner être la matrice carbonée, l’oxyde ferrique, et la kaolinite.

Il restait néanmoins à trouver la provenance de cette peinture rougeâtre qui devait être appliquée en quantité non négligeable pour se trouver ainsi éparpillée dans chaque échantillon de poussière prélevé. Malheureusement, la seule peinture qui avait été repérée dans les 12 000 pages du rapport du NIST 5, et censée être appliquée sur les poteaux du WTC, ne semblait pas correspondre aux RC-A, car ne contenant pas de silicate d’aluminium (kaolinite). Elle contenait par contre du zinc et du chrome, ce qui en faisait tout de même une candidate très sérieuse pour le type RC-B.

Composition de la peinture primaire des poteaux du WTC, le ‘zinc yellow’ étant du chromate de zinc (ZnCrO4) – Source NCSTAR 1-3C annexe D.

La confirmation

Assez fortuitement, c’est Jones qui a fourni la preuve qu’au moins une partie de ces écailles était bien la peinture appliquée sur les poteaux des tours jumelles. En effet, lors d’une conférence, il a dévoilé les résultats d’une analyse donnant les éléments chimiques présents dans cette peinture 6, grâce à des échantillons qu’il avait prélevés lui-même sur un mémorial exposant des restes d’acier provenant des tours. Les éléments mis en évidence dans son étude étaient les suivants : carbone, oxygène, fer, zinc, magnésium, aluminium, silicium, soufre, calcium, chrome.

De façon assez incroyable, au lieu de comparer ces résultats avec ceux des RC-B (d’une correspondance assez étonnante comme vous pourrez le constater ci-dessous) il comparait cette peinture au type RC-A… qui, forcément, ne correspondaient pas du tout ! Il aurait souhaité tromper son auditoire qu’il ne s’y serait pas mieux pris.

Tous les éléments présents dans la peinture prélevée se retrouvaient par contre dans les écailles RC-B : tous, ni plus, ni moins. Dans le pigment de la peinture (voir tableau au-dessus), en plus de l’oxyde ferrique (Fe2O3) et du chromate de zinc (ZnCrO4), se trouvait également le composé Tnemec 7 comprenant du talc (Mg3Si4O10(OH)2) ainsi que des silicates et aluminates de calcium (Ca2SiO4 et Al2O3,3CaO), amenant ainsi des éléments additionnels comme le magnésium, le silicium, le calcium ou l’aluminium.

Seules les proportions diffèrent légèrement d’un échantillon à l’autre, mais c’est un phénomène bien connu pour ce genre de tests d’analyse à énergie dispersive (XEDS), qui peut connaître des fluctuations quantitatives en fonction de la préparation des échantillons.

Spectre XEDS de la ‘chip’ de deuxième type analysée dans l’article de Harrit et Jones.
Spectre présenté par Jones lors de sa conférence de la peinture prélevée sur un mémorial.
La piètre qualité de la vidéo – image de droite – nous a amené à retraiter l’image et repositionner les libellés.

Mais si les écailles RC-B étaient bien issues de la peinture des poteaux, d’où pouvait alors provenir le type RC-A, plus abondant encore ?

Quid des autres “chips” ?

La solution à cette énigme se trouvait également sur la photo présentant l’ossature des tours : les autres éléments métalliques protégés par une peinture primaire anticorrosion et présents en quantité dans les tours, étaient les membrures des poutres treillis soutenant les planchers. Elles aussi étaient enduites d’une couche rougeâtre et la surface d’acier recouverte, compte tenu de l’étendue importante des planchers et du nombre de membrures, était quasiment équivalente à la surface de peinture des poteaux.

C’est sur le forum de la James Randi Educational Fundation que des internautes ont fourni la solution au mystère 8 : ils ont trouvé, perdu dans les 12000 pages du rapport du NIST, le document permettant de lever l’ambiguïté des dernières “chips”. En effet, la composition du pigment de la peinture recouvrant les poutres treillis était fournie par le NIST (NCSTAR 1-6B Annexe B) :

L’Iron Oxyde (à 55 %) et l’Aluminum Silicate (à 41 %) étaient les deux principaux composants, c’est-à-dire exactement ceux pressentis pour les RC-A après analyse au MEB : oxyde ferrique et kaolinite. Même le strontium et le chrome (4%) ont été trouvés par les auteurs à l’état de traces 9, ce qui ne laisse plus guère de place au doute.

Le liant (vehicle), lui, apportait les éléments carbonés constituant la matrice qui a donné la réaction exothermique dans les tests de calorimétrie différentielle 10 (voir SPS 296 pour plus de détails).

Au final, ce que les auteurs de l’article ont prétendu être un incendiaire/explosif top secret et hyperpuissant, s’avère n’être que de la simple peinture utilisée pour protéger les dizaines de milliers de tonnes d’acier constituant la structure des tours.

Mais si leurs assertions se révèlent infondées sur le plan scientifique, il est surtout regrettable que les auteurs ne soient pas restés sur le strict terrain scientifique et qu’ils aient sciemment utilisé leurs conjectures pour accréditer l’hypothèse d’un complot, accusant les scientifiques ayant travaillé sur le sujet de dissimulation et forfaiture 11.

1 Un incendiaire très puissant, voir numéro 296 de SPS : La chimie à la rescousse

2 Bentham est un éditeur de revues scientifiques (certaines “open” c’est-à-dire accessibles gratuitement et à tous) qui a parfois connu des soucis de relecture de ses articles (http://www.newscientist.com/article/dn17288-spoof-paper-accepted-by-peerreviewed-journal.htmlc). L’article de Harrit et Jones se trouve à cette adresse.

3 Microscope électronique à balayage

4 Une analyse détaillée expliquant ces hypothèses est donnée dans ce document.

5 National Standard Institute of Technology, chargé aux Etats-Unis de l’enquête après les effondrements des tours du WTC.

6 http://www.youtube.com/watch?v=ScY8c9THrTY (vidéo indisponible, compte clôturé — 26 Fév. 2020).

7 La composition de ce pigment a été fournie par Niels Harrit, l’un des coauteurs de l’article avec Jones : http://www.reopen911.info/News/2010/02/23/niels-harrit-pourquoi-les-chips-rougegris-ne-sont-pas-des-composants-de-peinture/

10 DSC evaluation of binder content in latex paints, C. Pagella, D.M. De Faveri, Progress in Organic Coatings 33 (1998) 211–217

11 Niels Harrit affirme : « Si les données sont mauvaises, insuffisantes ou traitées de manière sélective, la théorie est condamnée à être fausse. Si on ferme les yeux pour soutenir une théorie contredisant la réalité (d’autres données), il s’agit de science défaillante voire de fraude » (http://www.reopen911.info/News/2009/12/11/le-119-un-barrage-ou-un-raccourci-vers-la-paix-et-la-democratie/). « Je m’oppose au crime » « il n’y a eu aucune enquête » (http://www.reopen911.info/News/2009/06/04/nanothermite-le-dr-niels-harrit-repond-aux-questions-des-internautes/). Steven Jones et Kevin Ryan, un autre des co-auteurs de l’article, accusent également le NIST de fraude dans cette vidéo : http://www.reopen911.info/video/deux-experts-scientifiques-analysent-le-rapport-du-nist-sur-le-chute-des-tours-jumelles.html